Les orientations de l’éducation interculturelle

Elèves dans une école allemande - © VDI Nachrichten

Une liste d’orientations

Parallèlement aux initiatives interculturelles développées par un certain nombre d’établissements scolaires en Europe, dès la fin des années 1970, et surtout durant les deux décennies suivantes, des chercheurs et des responsables de différentes institutions se sont penchés sur la thématique de l’interculturel. Au sein du Conseil de l’Europe, le Programme pour la formation interculturelle des enseignants (1977-1983), sous la direction de la professeure suisse Micheline Rey von Allmen, a ainsi synthétisé plusieurs acquis en ce domaine et élaboré des lignes directrices à l’adresse des enseignants du premier degré, restitués à travers de nombreux débats et colloques.

Les travaux du Conseil de l’Europe comme ceux d’autres organismes, de chercheurs ou de rédactions de revues spécialisées ont souvent convergé sur un certain nombre de points pour aller vers une éducation interculturelle. Voici une liste non exhaustive des principes les plus courants :

  1. Valoriser chez les élèves la culture d’origine des parents les aide à mieux intérioriser la culture autochtone, car ils peuvent mieux gérer la formation de leur identité ;
  2. « L’éducation interculturelle est un principe qui sous-tend toute l’activité de l’école et de la communauté éducative » (A. Perotti). Tous les enseignants et responsables éducatifs devraient donc être formés en ce sens, cette formation n’étant pas une alternative aux compétences pédagogiques et techniques habituellement requises.
  3. La formation interculturelle du corps éducatif devrait inclure au moins une approche historique des mouvements migratoires, une étude ethno-sociologique des divers systèmes de référence culturelle des élèves, une initiation au décryptage des médias, une connaissance approfondie des droits de l’homme, des notions de linguistique et de psycholinguistique, un contact réel avec les communautés locales caractérisées par la présence d’un nombre important de migrants.
  4. En ce qui concerne les élèves, ils devraient être initiés à :
    1. la dimension éthique : droits de l’homme, dignité de l’être humain, valeurs démocratiques, déconstruction des discriminations et des phénomènes de violence ;
    2. la dimension (ethno-)culturelle :
      1. l’histoire, comme discipline, devrait inclure davantage d’informations sur les pays étrangers et sur les migrations internationales, tandis que son enseignement devrait éviter d’être trop ethnocentrique ;
      2. la géographie, en plus de donner les repères classiques (localisation, surface, nombre d’habitants, etc. des pays) devrait s’intéresser davantage à la vie des populations du monde, à l’étude (avec l’histoire) des religions et des croyances, etc. ;
    3. l’échange et la confrontation : les élèves devraient pouvoir communiquer librement entre eux, même si des conflits surviennent, pourvu que ces derniers soient « gérés » par les éducateurs. Ainsi, les enfants parviendront à reconnaître l’altérité propre de chaque individu dans les rapports avec soi-même et à apprendre à créer des passerelles favorables au dialogue ;
    4. l’éducation aux médias, qui consiste à comprendre la production de l’information, ses limites, ses déformations, et à reconnaître les faits réels à travers une lecture intelligente des contenus des médias.
  5. La langue et la culture nationales doivent servir d’interface privilégiée pour les échanges entre les élèves afin qu’ils puissent avoir des repères communs et qu’ils ne perdent jamais de vue le contexte local dans lequel ils évoluent.

Les obstacles à la mise en place d’une éducation interculturelle

Malgré la nécessité, soulignée par la plupart des responsables des systèmes éducatifs, d’élaborer de nouvelles méthodologies d’apprentissage pour être plus à même de rendre compte de la diversité culturelle et la faire passer de « problème » à « ressource », l’éducation interculturelle est encore loin d’être adoptée largement au sein des politiques d’éducation nationales et des écoles. Lorsque les classes accueillent un nombre important d’enfants d’immigrés, l’intérêt porté aux avancées de la méthode interculturelle se limite quasi exclusivement au domaine linguistique.

Au-delà des considérations pratiques que la mise en œuvre d’une pédagogie interculturelle globale poserait aux ministères de l’éducation et aux établissements scolaires, les difficultés majeures reposeraient sur la complexité théorique de l’« interculturalité » qui prête le flanc à de nombreuses équivoques et interprétations erronées. En matière d’éducation, l’interculturel nécessiterait en effet une refonte totale et une réorganisation des programmes et méthodes en surmontant la peur peu avouée de nuire à la formation d’une « identité nationale » homogène chez les élèves, censés devenir, par le biais de l’école, de « bons citoyens » de l’État-nation.

Mais si le projet interculturel peut dans son ensemble paraître utopique, un certain nombre de ses orientations et propositions sont, en revanche, tout à fait à la portée du système scolaire actuel dans la plupart des pays d’immigration. Faire une place plus large dans les programmes scolaires à la migration humaine, à son histoire, à sa géographie et à ses répercussions sur la vie des sociétés, pourrait être une solution envisageable sans pour autant bouleverser le système éducatif tel qu’il existe aujourd’hui.

Courriel
Facebook
Twitter
Flux RSS
Outils
Recherche