Prostitution et traite des êtres humains

Image prise dans les rues d'une ville française - © France TV Info

Depuis plus de vingt ans, dans la plupart des pays d’immigration, la prostitution compte une nette majorité d’étrangers (en France, 91,5% selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains).

De tels chiffres s’expliquent par l’existence d’entreprises criminelles dont les réseaux recrutent au niveau international, de la même manière que les entreprises « classiques » ont recours à des agences pour se fournir en main-d’œuvre étrangère. La mainmise de ces réseaux ou des « agences » de recrutement dans les milieux criminels et du proxénétisme est confirmée par la présence trop massive de certaines nationalités parmi les personnes prostituées, comme en témoigne un rapport d’information sur la prostitution en France, présenté en 2011 à l’Assemblée nationale par le député Guy Geoffroy : « Il est significatif que les personnes prostituées étrangères ne viennent que de quelques pays clairement identifiés. Aujourd’hui, la Roumanie, la Bulgarie, le Nigeria et la Chine sont les principaux pays d’origine des personnes prostituées étrangères en France, démontrant par là l’existence de filières et de réseaux de prostitution » (p. 32).

La prostitution (tout comme la délinquance) est une activité très genrée : sur le « marché du sexe » le femmes sont de loin plus nombreuses que les hommes.

S’il est aisé de trouver des données relatives au genre et à la nationalité des personnes prostituées, les différents pays d’immigration ne possèdent pas de statistiques fiables et exhaustives (nombre d’individus et d’“entreprises” impliqués, provenances, chiffre d’affaires, localisation spatiale, etc.) sur un phénomène difficile à recenser et à circonscrire.

Femmes migrantes et prostitution

En général, si on les compare avec leurs homologues autochtones, les prostituées étrangères ont des conditions de vie plus difficiles et des revenus inférieurs. En outre, elles doivent faire face à des frais « administratifs » et logistiques plus importants (faux papiers, frais de voyage et d’hébergement, « commissions » versées aux recruteurs, etc.), elles ne jouissent d’aucun droit, ont un accès difficile aux soins, sont plus fréquemment victimes d’abus, sont soumises à des horaires impossibles, sont constamment menacées de renvoi ou de représailles à l’encontre de leur famille, n’ont pas de jours de repos, vivent dans des endroits insalubres, sans espaces privés, etc. À cela s’ajoutent les difficultés linguistiques et le manque de repères qui sont le lot des étrangers dans leur ensemble.

Les conditions d’exercice de la prostitution peuvent être plus ou moins dures selon que les travailleuses sont victimes ou pas de la traite des êtres humains. En général, les prostituées d’Europe de l’Est (Moldavie, Roumanie, Russie, Ukraine, Albanie, etc.) et de l’ancien bloc soviétique (Kazakhstan, Tadjikistan) sont attirées à l’étranger sous de faux prétextes, qui se révèlent être en réalité de véritables pièges (promesses de mariage, faux contrats de mariage, avantages économiques « assurés » aux familles, enlèvements, promesses d’embauche, propositions alléchantes d’emploi sous couvert d’un voyage d’affaires, etc.) et elles échouent dans un environnement extrêmement violent où elles sont traitées comme des esclaves pour régler des « dettes » sans espoir de pouvoir s’en acquitter. Les Africaines noires (Nigeria, Sierra Leone, etc.) sont également confrontées à d’autres types de chantage, comme des rituels proches du vaudou ou le remboursement d’une énorme dette initiale. Enfin, les Latino-Américaines (Colombie, Équateur, Pérou, Brésil, etc.), les Maghrébines et les Asiatiques (Chinoises, Philippines, Thaïlandaises, etc.) exercent le plus souvent la prostitution de manière moins contraignante et brutale, en acceptant les propositions d’agences spécialisées. Par ailleurs, il n’est pas rare que certaines migrantes aient recours ponctuellement à la prostitution pour augmenter leurs revenus.

La proportion importante de femmes immigrées de certaines nationalités sur le « marché du sexe » devient l’objet de stéréotypes et de préjugés, qu’il s’agisse des attitudes de ces femmes (les Asiatiques seraient plus soumises, les Russes plus transgressives, etc.) ainsi que des coutumes de leur pays d’origine. En Israël, par exemple, les prostituées sont parfois appelées « Natacha », prénom considéré comme représentatif des femmes russes.

Si la traite des êtres humains (désignée en anglais par le terme trafficking dans les rapports internationaux, alors que le trafic de contrebande apparaît sous le terme smuggling) concerne majoritairement des femmes adultes, elle implique malheureusement beaucoup de mineurs. Pour lutter contre ce fléau, en 2000, à Palerme, l’ONU a fait signer à près de 120 pays deux protocoles en marge d’une convention pour combattre la criminalité internationale : l’un porte sur la traite des êtres humains et l’autre sur le trafic illicite de migrants.

« Marché matrimonial » mondial

Au cours des dernières décennies, la mondialisation des marchés et les opportunités offertes par le web ont donné lieu au phénomène des mariages « à distance », le plus souvent entre des hommes du premier monde et des femmes du tiers monde. À Taiwan, par exemple, selon la presse, 25% des mariages sont contractés avec des femmes venues de l’étranger (Chine, Vietnam, Philippines, Indonésie, etc.). D’après certains sociologues, il s’agirait là d’une conséquence des acquis féministes dans les pays du premier monde, auxquels certains hommes s’adapteraient moins bien. En réalité, ces derniers, s’estimant moins « attrayants » pour les (jeunes) femmes de leur pays soit en raison de considérations physiques soit en raison de leur âge, espèrent pouvoir attirer l’attention des femmes du tiers monde en leur offrant de meilleures conditions de vie et un prestige social plus élevé. Il est intéressant de noter que les sites internet dédiés à ce marché montrent que les pays d’origine des épouses correspondent, pour une large partie, à ceux de la liste des pays de provenance de la majorité des prostituées.

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