Politiques d’intégration
A minima, une politique d’intégration consiste à élaborer une législation et des plans d’action dans le but d’incorporer les immigrés au sein de la société nationale.
D’un point de vue politique, faire le choix d’intégrer les immigrés n’est pas une obligation, trois autres options sont toujours possibles : a) la ségrégation ou apartheid ; b) la séparation nette entre nationaux et immigrés via l’impossibilité de la naturalisation et du séjour d’une durée illimitée, afin que la présence des travailleurs étrangers ne soit que temporaire (Cf. l’expérience des « travailleurs invités » en Allemagne et en Suisse durant l’après-guerre) ; c) le multiculturalisme, qui permet à chaque « communauté ethnique » de vivre dans son propre univers, à condition que chacun respecte les règles communes nécessaires à la cohabitation.
Si historiquement toutes ces solutions ont été mises en œuvre, dans la pratique il est quasiment impossible d’éviter toute problématique d’intégration lorsque beaucoup d’immigrés s’installent définitivement dans le pays d’accueil. Tôt ou tard, les différentes communautés entrent en contact et/ou en conflit, obligeant les autorités locales à prendre des mesures pour améliorer le « vivre ensemble » au nom de l’ordre public.
S’intégrer à quoi ?
Avant de discuter du terme le plus apte à définir l’“incorporation” sociale des immigrés (« assimilation » ? « acculturation » ? « adaptation » ? « inclusion » ? « intégration » ? « insertion » ?, etc.), c’est l’objet de référence de ce processus qui demeure flou, car la « société nationale » n’est qu’une expression générique, incapable de fournir les paramètres détaillés (goûts, mode, langage, valeurs, tendances politiques, pratiques familiales, etc.) auxquels tout habitant d’un territoire devrait « se conformer ».
La transformation de tout individu membre d’une société en un (fantomatique) citoyen « standard » étant purement utopique, voire non souhaitable, chaque gouvernement national exige de l’étranger qu’il accepte sans condition certains « objets identitaires » symboliques censés représenter l’essence des valeurs nationales. En plus de la connaissance de la langue locale, pour l’opinion publique et les responsables politiques l’immigré est supposé connaître la « civilisation nationale » symbolisée par quelques éléments considérés comme culturellement indispensables. Dans le cas de la France, il s’agit de la devise républicaine (liberté, égalité, fraternité) et du principe de laïcité, desquels découlerait une série de préceptes (égalité hommes/femmes, démocratie, liberté du choix du conjoint, monogamie, présence discrète du religieux dans l’espace public, etc.).
Sur tous les aspects énumérés ci-dessus l’étranger est un sujet de devoirs. Afin de réduire l’écart culturel, social et juridique qui le sépare de l’autochtone, l’État ou la nation devrait, en contrepartie, lui assurer un traitement très proche de celui de chaque national, à partir du moment où il évolue dans le même environnement et participe à part entière à la vie commune.
Une intégration... formelle
En matière d’intégration, par des lois et des dispositifs « imposés » la politique ne peut agir qu’à un niveau formel : signature d’un contrat d’accueil et d’intégration, serment de fidélité, respect des règles établies, garantie de jouissance des services publics. Pour beaucoup d’hommes politiques et de citoyens ces éléments recouvrent à eux seuls le tour d’horizon de l’intégration, alors qu’en réalité, ils ne font qu’effleurer cette question. À la dimension formelle et purement juridique doivent s’ajouter des attitudes, des valeurs et des convictions réelles : la valorisation sincère des différentes cultures (qui s’oppose aux discriminations et à la xénophobie), la mixité sociale, une socialisation sans exclusion et la construction d’identités personnelles capables d’interagir efficacement avec les individus de n’importe quelle origine.
Souvent du ressort des instances gouvernementales chargées de la sécurité intérieure, la politique d’intégration devrait plutôt relever des politiques sociales, culturelles et d’éducation.
Politiques, idéologies et modèles d’intégration
Les pages suivantes du Migral montreront comment la sphère politique s’est appropriée, non sans les déformer, des concepts tirés des sciences humaines et sociales. Les pays qui possèdent une longue tradition d’immigration ont expérimenté différentes solutions en ce domaine, qui se différencient notamment au niveau de la reconnaissance ou non du principe d’« ethnicité » : certains, surtout les pays anglo-saxons, ont donné droit de cité à la création de « catégories ethniques » (au sens le plus large), permettant de recenser leurs populations sur une base ethno-raciale ; d’autres, en revanche, ont cherché à effacer toute tentative de constitution de ces groupes, de peur de compromettre l’unité nationale et la cohésion sociale.
Toutes ces versions politiques de l’intégration trouvent leur traduction dans des pratiques administratives et des projets stratégiques, autrefois plutôt conceptuels et aujourd’hui devenus plus pragmatiques.