Enfant de migrants devant la frontière de la Slovénie - 2017 - © Casa Madiba

Politiques d’entrée et de séjour

Depuis l’apparition de l’homme sur la terre, toute autorité souveraine tient à protéger « son » territoire de l’intrusion de personnes étrangères potentiellement malveillantes et à les contrôler. Durant l’Antiquité, les grands empires érigent parfois des murs imposants contre des menaces d’invasion, tandis que nombre de villes sont entourées de fortifications surveillées.

Le témoignage le plus ancien de sauf-conduit se trouve probablement dans la Bible, et plus précisément dans le livre de Néhémie, celui-ci demandant à l’empereur perse Artaxerxés des « bonnes lettres » pour les gouverneurs locaux en vue de son voyage de Mésopotamie jusqu’en Judée (Néhémie 2,7).

L’utilisation de sauf-conduits apparaît à toutes les époques et dans toutes les grandes civilisations. Au Moyen-Âge ces documents sont parfois appelés « passe-ports » car ils servent à franchir les « portes » des villes ou à entrer dans des « ports » maritimesQK.

Le passeport tel qu’on le connaît aujourd’hui est, en revanche, une invention beaucoup plus récente, liée à l’instauration du « document d’identité », conséquence de la création de l’État-nation. Ce document identifie désormais son porteur non seulement sur la base de ses données personnelles mais aussi de sa nationalité, d’où son importance dans le cadre de la nouvelle signification contemporaine du terme « frontière », celle-ci se convertissant en un point d’identification et de contrôle des personnes afin de vérifier si elles ont le « droit » ou non de séjourner sur un territoire donné.

De nos jours, la « frontière » est devenue un objet complexe qui existe non seulement aux limites territoriales d’un État mais aussi en son sein (aéroports, etc.), et même à des endroits situés dans les territoires d’autres pays (consulats, zones d’attente, etc.). L’internalisation des frontières consiste en une multiplication des lieux de contrôle de la régularité du séjour au sein du territoire, tandis que l’externalisation des frontières correspond à la réalisation de ces contrôles à distance, c’est-à-dire dans des endroits éloignés des pays d’immigration.

Dans un tel contexte, tous ceux qui échappent à cette identification, qui répond à des critères de plus en plus « ethniques », deviennent des « clandestins » sans droit de cité.

Paradoxes des politiques d’entrée et de séjour

La configuration politique du monde en États-nations séparés par des frontières « nationales » incite les gouvernements de chaque pays à mettre en place des politiques de « maîtrise » des flux migratoires qui présentent au moins deux aspects contradictoires.

En effet, d’un côté les autorités publiques mettent en place des dispositifs de surveillance stricte des mouvements de populations alors qu’un gigantesque processus de mondialisation s’accélère au fil du temps ; de l’autre, plus ces mêmes institutions s’acharnent à rendre étanches les frontières de leurs États en vue de sélectionner uniquement les étrangers les plus qualifiés, plus elles font le constat unanime de l’arrivée massive de migrants majoritairement peu ou pas qualifiés.

Malgré la relative inefficacité des politiques visant à rendre imperméables les frontières et le nombre toujours plus élevé de victimes qu’elles entraînent, les États investissent des sommes colossales dans ce domaine. Dans le cas de l’Union européenne, le budget présenté pour la période 2014-2020 s’élève à 6,12 milliards d’euros, ce qui n’inclut pas toutes les dépenses concernant les centres de rétention, les mesures de sécurité dans les lieux de transit, ainsi que les subventions allouées aux pays d’émigration et aux « pays gardes-frontières » de l’UE (Maroc, Algérie, Turquie, Russie, etc.) pour prévenir l’arrivée de migrants irréguliers.

Des politiques à l’origine des flux d’immigrés irréguliers

La grande majorité des pays d’immigration ne laissent que très peu de portes ouvertes à l’immigration légale. Celle-ci n’est désormais possible que sur requête directe des États, ou bien dans le cadre du regroupement familial, de la demande d’asile et dans un petit nombre de cas pour lesquels la durée du séjour est fortement limitée (études, soins, travail saisonnier, etc.). Plusieurs leaders politiques peu au fait de cette situation et ouvertement opposés à toute forme d’immigration, veulent même limiter drastiquement le droit au regroupement familial, considéré comme la source principale des flux migratoires. Parallèlement, tous ceux qui souhaitent ou sont forcés de s’expatrier dans les pays du « premier monde » pour fuir le manque de perspectives économiques, l’insécurité et l’oppression, n’ont, dans les faits, que deux choix possibles pour réaliser leur projet migratoire : déposer une demande d’asile ou entrer clandestinement.

Quelle que soit la sensibilité politique des gouvernements, lorsque les flux migratoires ont une raison d’être (emplois « pénibles » non pourvus), l’immigration se poursuit, souvent clandestinement et sans apparaître dans les statistiquesQK. Lorsque le nombre de sans-papiers se compte en millions, les gouvernements en place n’ont souvent d’autre choix que de procéder à des régularisations massives. Dans le même temps, de nombreuses entreprises peuvent ainsi bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché, tandis que les employeurs qui fraudent sur l’identité des travailleurs, « permettent » à l’État d’encaisser les charges sociales générées par le travail non déclaré.

À la masse des sans-papiers viennent s’ajouter les milliers de déboutés du droit d’asile, qui sont a priori censés quitter le territoire national une fois la décision de rejet prononcée. De fait, leur expulsion constituant une opération difficile et coûteuse pour l’État, beaucoup restent dans le pays d’accueil sans aucun document de séjour. Certains d’entre eux, bien qu’étant de « vrais » réfugiés, font les frais de la tendance actuelle des États qui consiste à rendre des décisions relatives aux demandes d’asile en se basant plus sur la nationalité des individus que sur le récit de leurs persécutions.

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