Nouvelle configuration ethnique dans l’Europe du Moyen Âge

Des Normands débarquent sur les côtes françaises - © Migral

La première grande vague d’invasions qui a mis fin à l’Empire romain d’Occident avait conduit à la formation de nombreux royaumes, surtout germaniques. La plupart des nouveaux États sont christianisés par les missionnaires, les moines et parfois par l’action militaire, comme ce fut le cas des Saxons en 804, soumis et convertis de force par Charlemagne (748-814). En Europe occidentale, cet équilibre politique et religieux est une première fois mis en péril par l’avancée de l’empire musulman des Omeyyades, arrêtée par l’Empire byzantin à l’Est (en 673 et en 717) et par les Francs à l’Ouest (victoire de Charles Martel en 732 à Poitiers). Les Arabes ne s’emparent ainsi que de la Péninsule ibérique, de la Sicile et de la Sardaigne.

Après les incursions des Avares, chassés par les Francs à la fin du VIIIe siècle, les deux siècles suivants voient déferler sur le Vieux Continent une deuxième grande vague d’invasions venues de l’Est et du Nord-Est.

Les Slaves

Poussés vers l’Ouest par la redoutable pression turco-mongole exercée par les peuples de l’Asie centrale, les Slaves occupent les espaces abandonnés par les Germains. Il s’agit de peuples nomades désireux de s’installer au sein de l’Empire byzantin, qui les chasse (Cf la carte en cliquant ici).

Au cours de ces déplacements, plusieurs tribus slaves fusionnent, donnant lieu à de nouvelles compositions ethniques. C’est ainsi que les Polabes, les Mazuriens, les Poméraniens, les Poliens et d’autres groupes se mélangent, donnant naissance aux Polonais (le nom de Pologne apparaît pour la première fois dans les documents autour de 950). Les Serbes, quant à eux, se scindent en différents groupes : une partie va occuper la région de la Lusace en Allemagne, devenant les Sorabes (VIIe siècle) ; une autre se dirige vers l’Empire byzantin, mais est repoussée par celui-ci au-delà de sa frontière septentrionale, dans les Balkans. Dans la même région convergent les Slovènes (= « slaves »), qui, face au danger que représentent les Avares, trouvent refuge en Carinthie sous la protection des Francs (VIIIe siècle) et les Croates, dont l’ethnogenèse est encore mystérieuse (slaves, germaniques ou iraniens ?) et dont l’évangélisation remonterait au baptême du prince Porga vers 750. Les Serbes, les Croates et les Slovènes se mélangent aux autochtones Dalmates et Illyriens, ces derniers étant en partie les ancêtres des Albanais. En 833, enfin, les tribus des Tchèques, des Moraves et des Slovaques constituent un vaste royaume appelé « Grande Moravie », qui, sous l’impulsion du roi Svatopluk, s’étend de l’Allemagne orientale à la Hongrie ; au Xe siècle, cet État, affaibli par les Francs, tombe sous les coups des Magyars.

Parallèlement, les missionnaires chrétiens de l’Empire byzantin évangélisent les peuples slaves et souvent les alphabétisent.

Les Bulgares

Vers l’an 700, les Bulgares, d’origine turco-iranienne (dits « Proto-Bulgares » en cette phase), délogés d’Ukraine par les Khazars (qui ont fondé un vaste « khaganat »QK entre 618 et 1048), passent des rivages de la Volga à la Thrace, finissant par se mélanger vec les anciens Thraces (apparentés aux Illyriens) et les Slaves installés récemment dans la région. Ils fondent deux empires multiethniques, le premier entre 865 et 1018, qui s’étend de l’Albanie au Dniepr, et le deuxième entre 1187 et 1291, un peu plus grand que la Bulgarie actuelle. La Macédoine, autrefois de culture grecque, devient culturellement bulgare.

Les Magyars

Les Magyars, qui appartiennent à la famille des peuples finno-ougriens (Finnois, Caréliens, Estoniens, Samis, Hongrois, Finnois de la Volga, etc.), s’installent en Hongrie en 895 aux dépens des Moraves. Les incursions des Magyars en Occident, avec des pillages à Rome, à Orléans et à Cologne, durent un siècle. Les États hongrois ont une plus grande longévité et passent du statut de grande-principauté (895-1001) à celui de royaume de Hongrie (1001-1526, année de la conquête ottomane). En 1687 ils intègrent l’Empire d’Autriche qui devient l’Empire d’Autriche-Hongrie. Leur christianisation remonte à l’année 985.

Les Normands ou Vikings

Entre 790 et 1066 (année de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant), les côtes atlantiques de l’Europe, la Méditerranée et la mer Noire, ainsi que de nombreux fleuves et rivières sont parcourus par des flottes de pillards, pirates et guerriers scandinaves, appelés « Vikings », mais aussi « Normands » par les Francs, « Danois » par les Anglais, « Rus » ou « Varègues » par les Slaves et les Byzantins. Leurs incursions les poussent loin à l’intérieur des terres, pillant les villages avant d’établir des royaumes ou des principautés. Les Vikings sont essentiellement des Norvégiens, des Danois et des Suédois (Cf. la carte en cliquant ici). Les premiers occupent l’archipel écossais, l’Islande et le « Vinland » (Terre-Neuve au Canada). Les seconds investissent les côtes allemandes du Nord, créent le royaume de York (876) et le Danelaw (886) en Grande-Bretagne, conquièrent la Normandie, combattent Byzance avant de devenir son allié, et, enfin, arrachent la Sicile aux Arabes (1061-1091). Les troisièmes sont à l’origine de la Rus’ de Kiev (ou principauté de Kiev), fondée par le prince varègue Riourik, au départ centrée sur Novgorod. Si Riourik fait figure de personnage semi-légendaire, le prince Oleg, qui lui succède, est la première figure dirigeante attestée de l'histoire de la Russie (qui tire son nom de cet État « Rus »).

Les Russes

Les principautés de Novgorod et de Kiev sont formées par une population à majorité slave, gouvernée par une élite « varègue » (viking) qui favorise la christianisation du pays et sa liaison politico-religieuse avec Byzance. La principauté de Kiev se désagrège en de multiples principautés suite à des luttes internes et à plusieurs invasions provenant de l’Est. Les Russes se concentrent alors dans la République de Novgorod, qui va de la mer Baltique à l’Oural et dans la principauté de Vladimir-Souzdal, véritable berceau de la culture russe, qui existait déjà au XIe siècle et qui devient la plus puissante durant le siècle suivant. L’invasion des Mongols autour de 1230-1240 met fin définitivement à la Rus’ de Kiev, le territoire de cette dernière étant partagé entre les Mongols au Sud et le Grand-Duché de Lituanie au Nord (qui dépend du royaume de Pologne). La principauté de Vladimir-Souzdal est désormais vassale des Mongols, qui la scindent en de nombreux duchés et principautés. Devenu de plus en plus puissant au cours du XIVe siècle, le duché de Moscou acquiert son indépendance en 1380.

Les Allemands

Au IXe siècle, les côtes méridionales de la mer Baltique sont encore peuplées de nombreuses tribus païennes et leur christianisation demeurera relativement superficielle jusqu’au XIIIe siècle, au point qu’en 1260 l’un des Grand-Ducs de Lituanie, Mindaugas, une fois devenu roi, rejettera le christianisme. Du début du XIe jusqu’au XIVe siècle, de la Poméranie à l’Ukraine, en passant par la Biélorussie (ou Ruténie) beaucoup de petites principautés et de duchés arrivent à subsister grâce au désintérêt des Mongols qui les avaient envahis. Ces territoires deviennent alors des terrains de conquête pour les Polonais, les Lituaniens, les Russes et les Allemands.

Ces derniers, convaincus que dans les terres de l’Est règnent la barbarie et le paganisme, commencent à coloniser les territoires orientaux par l’intermédiaire de leurs colons et de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques. Après la période des Croisades, l’Ordre se recycle dans la conquête de vastes territoires : Pologne, Moravie, Ukraine. Au XVe siècle, les Teutons subissent plusieurs défaites et ils doivent se cantonner à la Prusse ; mais beaucoup d’Allemands restent dans les terres anciennement conquises.

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