Modèles de politiques d’intégration

Population de la région parisienne dans une gare du RER C - © The Economist

Des modèles nationaux ?

Durant les trente glorieuses les nations les plus riches et les plus industrialisées sont des destinations privilégiées pour de nombreux travailleurs étrangers. Les responsables politiques de ces pays s’interrogent alors sur la façon de gérer cette présence massive d’étrangers, susceptible de modifier l’ordre social, ethnique et démographique des sociétés qu’ils gouvernent. Leurs réponses, qui sont fonction des contextes nationaux, sont très diverses et se traduisent par l’instauration de pratiques à l’adresse des immigrés qui constituent des modèles d’intégration.

À l’époque, chaque gouvernement concerné est confronté à un choix fondamental : soit promouvoir l’inclusion complète des nouveaux venus (et de leurs enfants) au sein de la nation, soit maintenir une distinction entre eux et les nationaux. L’orientation choisie par chacun se traduit notamment dans la législation relative au code de la nationalité, qui va, selon les pays, du droit du sang stricto sensu (« nation construite sur une base ethnique », à l’origine de son État) au droit du sol (« nation sur une base citoyenne », créée par son État), en passant par de nombreuses solutions intermédiaires.

Sur ce sujet, certains chercheurs font état d’une corrélation entre les choix opérés par les autorités nationales et les différents modes de construction des « nations ». D’après eux, en Europe occidentale, ces modalités permettent de subdiviser les nations en trois catégories : a) les pays ayant construit depuis plusieurs siècles leur unité nationale grâce à des structures étatiques puissantes (France, Espagne, Portugal, Suède et Danemark) ; b) les pays ayant construit leur unité en fédérant des entités différentes, auxquelles l’État a garanti une certaine autonomie (Royaume-Uni, Confédération helvétique, Pays-Bas, Belgique) ; c) les pays ayant acquis leur unité depuis une période plus récente en la justifiant par le biais d’affinités ethniques et culturelles (Allemagne, Italie, Grèce, Finlande, Autriche). Selon cette théorie, le premier groupe aurait tendance à privilégier le droit du sol et l’assimilation des étrangers ; le second préférerait, quant à lui, maintenir la séparation entre les groupes ethniques en réglementant leurs interactions ; tandis que le troisième serait assez hostile au mélange entre étrangers et autochtonesQK.

Le schéma susmentionné, comme tous les schémas, ne correspond que vaguement à la réalité mais plutôt aux images stéréotypées qui circulent au sujet des politiques d’intégration des pays cités. C’est ainsi que dans le cas de la France, par exemple, dans plusieurs textes scientifiques, le modèle français est présenté comme l’expression par excellence de l’assimilationnisme, tandis que dans les faits la doctrine politique française officielle rejette l’assimilation.

Au-delà des schémas, la période qui s’étend du deuxième après-guerre aux années 1970 permet d’entrevoir des pratiques spécifiques à certains pays d’immigration : les expériences allemande et suisse des « travailleurs hôtes », censés demeurer dans le pays d’accueil pendant un temps limité ; l’introduction dans la loi britannique d’éléments distinctifs selon la « race » pour séparer les autochtones des autres ressortissants du Commonwealth ; des tentatives menées par l’État hollandais pour transformer les immigrés musulmans en une entité autogérée, selon les organisations catholiques, protestantes et laïques déjà existantes. De fait, les politiques d’intégration en vigueur dans le monde se ressemblent beaucoup plus que ce que les schémas laissent apparaître et les différentes administrations nationales tendent souvent à s’inspirer des choix opérés par les autres pays.

Les codes de la nationalité dans le monde

Comme nous l’avons rappelé, les codes de la nationalité sont révélateurs des tendances politiques en matière d’intégration.

Un étranger peut acquérir la nationalité du pays d’accueil soit par le droit du sang, soit par le droit du sol, soit par naturalisation. Le premier est universellement reconnu, bien que plusieurs pays exigent que le parent étranger soit effectivement marié avec un autochtone.

S’agissant du droit du sol, en revanche, les nations de la planète se subdivisent en trois groupes : a) les pays qui octroient automatiquement la nationalité à la naissance (presque toute l’Amérique, l’Albanie, la Bulgarie, l’Azerbaïdjan, le Pakistan, la Nouvelle Zélande, la Tanzanie et l’Éthiopie) ; b) les pays qui prévoient une accession à la nationalité différée ou restrictive des personnes nées sur leur territoire (la plupart des pays d’Afrique, l’Australie, le Chili, la Colombie, le Cambodge, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite et l’Europe occidentale, à l’exception de l’Italie, du Danemark et de la Norvège) ; c) les pays qui n’admettent pas le droit du sol (presque toute l’Asie, l’Europe orientale et une large partie de l’Afrique).

Enfin, dans une grande majorité des pays du monde la naturalisation permet d’accéder à la nationalité, moyennant une période de résidence régulière qui va de trois à huit ans, les pays les plus bienveillants se trouvant dans les Amériques. Peu de pays refusent la naturalisation, mais c’est le cas de : la Chine, la Mongolie, la Corée du Nord, l’Ouzbékistan, la Birmanie, la Malaisie, le Laos, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Oman et la Centrafrique.

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