Migrations et générations
Parler de « migrants » et d’« immigrés » sans définir au préalable les termes employés est toujours source d’équivoques et d’amalgames, qui peuvent se révéler préjudiciables lorsque des politiques concernant ces populations sont élaborées et mises en place. Si les immigrés diffèrent au regard de leur origine, de leur culture, de leur motivation de départ, de leur milieu social et de leur trajectoire migratoire, ils se distinguent également par la période de leur migration et par leur parcours familial dans le pays d’accueil.
Actuellement, les administrations des pays d’immigration ont tendance à se focaliser sur les « primo-arrivants », autrement dit les étrangers présents sur leur territoire national depuis très peu d’années. Ceci s’explique par le fait que, contrairement aux immigrés qui résident dans les pays d’accueil depuis longtemps, les caractéristiques et les besoins de ces personnes ainsi que les difficultés qu’elles rencontrent font davantage penser à des mesures d’urgence. Cependant, à côté des aspects administratifs, matériels et linguistiques, l’accompagnement des migrants et de leurs enfants s’avère fondamental tout au long de leur vie.
Des définitions erronées qui se transforment en politiques inadéquates
Lorsqu’on cherche sur internet des photos d’« immigrés », le plus souvent apparaissent des bateaux chargés de jeunes extracommunautaires, ou bien des travailleurs, ou encore des groupes aux phénotypes les plus divers, mais pratiquement jamais d’immigrés âgés ou de personnalités connues dont les parents sont d’origine étrangère.
Du milieu du XIXe siècle jusqu’aux Trente glorieuses, aucun gouvernement ni aucune étude ne s’est intéressé à la question de la mise en place de dispositifs d’« assimilation » pour les immigrés primo-arrivants, les autorités et les chercheurs étant alors convaincus que seuls leurs descendants pourraient un jour être concernés. Aujourd’hui, en revanche, et depuis désormais plus de quarante ans, les politiques d’intégration ne ciblent que les « primo-arrivants », comme si les questions d’adaptation, de choc des cultures, de lutte contre les discriminations, etc. n’avaient de raison d’être que pendant les premières années de résidence dans le pays d’accueil.
Dans beaucoup de pays, la suspension officielle de l’immigration de travail ajoutée aux contraintes de plus en plus importantes imposées aux migrants souhaitant y séjourner légalement, ont, paradoxalement, favorisé l’installation des travailleurs étrangers et de leurs familles. Les classes de certaines écoles ont vu croître rapidement le nombre d’enfants d’immigrés, tandis qu’au fil du temps, les maisons de retraite ont commencé à accueillir des immigrés âgés, qui ont fait le « choix », parfois à contrecœur, de ne pas rentrer au pays.
Face à ce constat, une confusion fréquente s’opère dans l’esprit de beaucoup de décideurs et de citoyens, pour lesquels mettre en œuvre une politique spécifique pour les enfants et les retraités « issus de l’immigration » serait injuste et ne ferait qu’engendrer de la discrimination. Cette position confond des considérations d’ordre éthique avec des réalités d’ordre anthropologique. En effet, en matière de droits et de dignité humaine, ces personnes sont sur un même pied d’égalité que les autres, mais l’expérience de ceux qui s’investissent auprès des migrants et les accompagnent sur le plan juridique, politique, pédagogique, psychologique, social, etc., montre que ne pas tenir compte du fait migratoire s’avère impossible, voire contreproductif : la migration a des conséquences qui nécessitent des réponses adéquates qui ne s’improvisent pas.
Dans cette section du Migral nous nous intéresserons d’abord aux enfants d’immigrés - appelés de façon incorrecte « deuxième génération » - et ensuite, plus succinctement, nous aborderons la question des migrants âgés.