Migrants âgés et perspectives de prise en charge

Immigrés venus du Maghreb dans les années 1960 pour travailler en France - © Le Parisien

Quelques chiffres

Selon l’ONU, en 2015, les immigrés âgés de plus de 65 ans étaient environ 30,5 millions dans le monde, et ils représentaient 12,5% de l’ensemble des immigrés internationaux. En France, le recensement réalisé en 2010 par l’INSEE, révèle que les immigrés âgés de plus de 55 ans (sic !) sont un peu plus de 950 000, soit 16% du total des immigrés, tandis que la proportion de nationaux du même âge est de 28%. Dans l’Hexagone, les immigrés âgés se trouvent surtout en Île-de-France (un tiers), en Rhône-Alpes (11,7%), en PACA (9,5%) et en Lorraine (4,3%) ; les plus nombreux étant les Algériens (167 000), suivis par les Portugais (162 000) les Marocains (109 000), les Italiens (96 000), les Espagnols (65 000) et les Britanniques (65 000). Ces proportions peuvent ne pas correspondre à la réalité des foyers et des maisons pour personnes âgées, car d’autres facteurs interviennent dans le choix ou la nécessité de s’y établir. Les Britanniques, par exemple, sont presque totalement absents des maisons de retraite : beaucoup d’entre eux migrent en France après leur retraite pour y trouver de meilleurs conditions climatiques et y achètent des propriétés.

Les maisons de retraite

D’après les enquêtes sur les migrants âgés en Europe (en France, rappelons l’enquête Passage à la retraite des immigrés menée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse), ceux qui restent dans le pays d’accueil (par choix, par nécessité ou, surtout, en raison d’un report perpétuel de la décision du retour) sont plus nombreux que ceux qui rentrent définitivement dans leur pays d’origine.

Si les conditions de vie de toute personne âgée sont fonction de ses revenus et de sa classe sociale, les inégalités sociales frappent encore plus les migrants, car d’autres considérations s’ajoutent aux précédentes : la distance géographique du pays d’origine, le niveau de développement de ce dernier, le statut juridique des individus (naturalisés, ressortissants de l’UE/EEE, émigrés des pays du premier monde ou du tiers monde, etc.), le nombre de membres de la famille vivant dans le pays d’accueil, la distance culturelle avec celui-ci, etc. Les immigrés européens, par exemple, bénéficient de nombreux avantages par rapport aux immigrés maghrébins. Ces derniers sont surreprésentés dans les foyers pour travailleurs immigrés, bien que leur nombre, en chiffres absolus, n’atteigne pas les 30 000 (10% des retraités maghrébins).

Qu’il s’agisse de foyers pour les personnes âgées démunies ou de maisons de retraite, les personnels soignants ne sont normalement pas formés pour prendre en charge des personnes étrangères culturellement, et ce, indépendamment de leurs éventuels efforts pour faire face à cette situation. Les représentations sociales relatives aux maladies fort handicapantes (comme toute forme de démence sénile) ainsi que celles relatives à la responsabilité filiale, à la dépendance et à la mort diffèrent parfois énormément selon les origines.

Parallèlement, les personnels soignants sont de plus en plus recrutés parmi la population immigrée, ce qui représente à la fois une ressource en termes de main-d’oeuvre et un défi interculturel intéressant.

Des civilisations et des valeurs divergentes

D’après les sociologues et les anthropologues, nombre de migrants viennent de pays où les systèmes de vie et les sociétés sont de type « traditionnel » alors qu’ils résident dans des pays où, par contre, l’individualisme, la sécularisation et le matérialisme sont très accentués. En schématisant, d’un côté il existe des sociétés où l’être humain gagne en respect en fonction de son âge, et d’autres où l’être humain prend de la valeur en fonction de sa productivité et de son utilité économique. Dans les sociétés dites « occidentales », où la moyenne d’âge ne cesse de croître, les vieillards coûtent cher, sont considérés comme un poids, sont « infantilisés » ou poussés à des comportements régressifs, regardent la mort comme le néant absolu et vont vers des enterrements à tonalité affective neutre. Dans les sociétés traditionnelles, en revanche, les personnes âgées sont considérées comme une ressource pour des travaux particuliers ou pour l’éducation des enfants, sont traitées en sages, meurent le plus souvent dans leur maison entourées par les membres de leur famille, considèrent la mort comme le couronnement de la vie et un passage, leur enterrement ayant un impact émotionnel et rituel important dans la communauté.

Bien que ce schéma soit parfois discutable, il reflète toutefois assez bien les opinions des immigrés âgés, lorsqu’ils considèrent les derniers jours de leur existence.

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