Mariage, religion, politique
Au fil des générations, les descendants d’immigrés se confondent dans la masse des descendants des soi-disant « autochtones », qui ne sont, en réalité, que les héritiers d’autres populations ayant migré plus anciennement. En France, selon le recensement de 1999, sur les 56 millions d’habitants que comptait l’Hexagone, 4,3 millions étaient des immigrés, 5,5 millions étaient leurs enfants et 4,2 millions leurs petits-enfants. Ces 14 millions de personnes, autrement dit près d’un habitant sur quatre, avaient donc un lien avec une migration récente.
Si la fusion des descendants d’immigrés dans une nouvelle composition ethnique nationale est pratiquement inévitable, elle ne constitue pas un mécanisme automatique, certains groupes d’origine immigrée, proche ou lointaine, résistant plus que d’autres à l’assimilation.
Les chercheurs et une partie de l’opinion publique évaluent ce phénomène à partir de trois critères :
Mariages mixtes
Au sein de n’importe quelle population se manifeste une tendance à l’endogamie, c’est-à-dire à se marier ou à vivre en couple en choisissant le partenaire le plus « semblable » ou le plus « proche » de son origine ethnique, de sa culture ou de sa « race ». À défaut d’une personne de même origine, les immigrés célibataires tendent à choisir un conjoint issu de la communauté la plus « compatible » avec la leur, du point de vue ethnique et culturel. Il n’est pas rare que certains cherchent des partenaires « homogènes » dans le pays d’origine ou parmi les autres communautés de leur diaspora dans le monde. Cette tendance est souvent reprise par leurs enfants, surtout par ceux qui sont issus de familles où les choix matrimoniaux sont fortement influencés par la volonté des parents.
Au sein des couples mixtes, les « traditions » culturelles des personnes impliquées jouent un rôle important et peuvent devenir une source de conflits entre les conjoints. De nombreuses études en sciences sociales s’intéressent en particulier au comportement des couples formés par des enfants d’immigrés et des enfants d’autochtones et dans lesquels les premiers sont musulmans et les seconds sont athées ou d’une autre religion. Pour que l’union puisse subsister, le couple, et surtout sa composante issue d’une famille immigrée, adopte plusieurs « stratégies » de conciliation entre les attentes de cette dernière et les comportements de la « majorité » de la population nationale. Dans maints cas, le « mensonge », qui consiste à cacher à la famille dans le pays d’origine les véritables comportements du couple (non-respect des interdits alimentaires ou des règles sur le consentement donné par les parents pour sortir en couple, etc.), est le seul moyen de «sauver» l’honneur des parents immigrés ; la communauté exigeant que certaines règles, considérées comme étant incontournables « là-bas », soient formellement respectées.
Il n’est pas inutile de rappeler que la morale familiale n’est pas identique selon qu’il s’agit des filles ou des garçons. En règle générale, dans les familles patriarcales le code de l’honneur à l’adresse des filles est plus strict.
Religion
Au fil des générations, l’identité religieuse est l’élément qui, plus que d’autres aspects identitaires, résiste le plus longtemps, bien que le niveau de la pratique religieuse subisse en général l’influence de celui du pays d’accueil. Chaque groupe d’origine immigrée possède des « objets religieux » identitaires auxquels il attache une importance particulière et qui font office de « signes d’appartenance » ethnique. Il s’agit très rarement de comportements dictés par une profonde connaissance de la doctrine religieuse et de ses sources, mais plutôt d’un mélange d’attitudes et de pratiques traditionnelles, qui parfois sont préservées farouchement de l’assimilation culturelle aux traditions du courant majoritaire.
Les enquêtes auprès des enfants d’immigrés ont mis en évidence d’importantes différences dans la pratique religieuse selon l’origine nationale des parents. Par exemple, c’est ainsi que parmi les catholiques, les Portugais sont plus pratiquants que les Espagnols ou les Polonais, tandis que chez les musulmans, les Pakistanais et les Marocains sont plus pratiquants que les Algériens ou les Turcs.
Participation politique
Un nombre non négligeable d’enfants d’immigrés militent au sein des partis politiques, élus certains à des postes de premier plan. Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Najat Vallaud-Belkacem, Anne Hidalgo, Pierre Moscovici, Claude Bartolone, Thierry Mariani, Rachida Dati, Christian Estrosi, etc. (pour ne mentionner que certains des plus connus sur la scène politique française actuelle) sont des enfants d’immigrés.
Les élus issus de familles immigrées appartiennent à tous les bords politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche, et tous parviennent plus ou moins habilement à justifier leurs choix en cohérence avec l’histoire migratoire dont ils sont les héritiers.
Plus ces personnes s’investissent dans la vie politique locale ou nationale et moins ils intègrent les associations communautaires de leurs parents, qui souffrent d’un manque de renouvellement générationnel.