Statistiques sur les migrations forcées
Comme nous l’avons vu dans un chapitre précédent du Migral (Cf. [#15]), pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les migrations forcées regroupent plusieurs catégories de migrants auxquelles correspondent des statuts juridiques spécifiques. Dans ses statistiques le HCR en dénombre sept, dont sont exclus les « migrants climatiques », un phénomène bien réel mais difficilement quantifiable, malgré l’attention qui lui est portée aujourd’hui par la sensibilité écologiste. En 2016, le HCR estimait à 67,6 millions le nombre de migrants forcés, ainsi répartis : a) 17,2 millions de réfugiés au sens de la Convention de Genève de 1951 (25,4% du total) ; b) 2,7 millions de demandeurs d’asile (4%) ; c) 36,6 millions de déplacés internes (54,1%) ; d) 803 000 personnes relevant à d’autres titres de la protection du HCR ; e) 552 000 réfugiés rentrés dans leur pays (0,8%) ; f) 6,5 millions de déplacés internes revenus dans leur lieu d’origine (9,6%) ; g) 3,2 millions d’apatrides (4,8%). Si nous faisons abstraction des personnes qui ont pu retourner d’où elles sont parties, le nombre total de migrants forcés est de 57,3 millions.
Ces données représentent, comme dans le cas des migrants en général, des stocks de population, qui incluent dans la catégorie « réfugié », « demandeur d’asile » ou « déplacé », tous ceux qui relèvent de la protection du HCR ou des organisations nationales chargées de leur traitement (comme l’OFPRA pour la France). Il importe d’avoir présent à l’esprit ces considérations, car il arrive fréquemment que les médias confondent le nombre total de réfugiés et le nombre de demandeurs d’asile.
Les réfugiés
Sur les 208 pays considérés par le HCR, seule une minorité (15%) ne comptait aucun réfugié parmi ses ressortissants. En 2016, 45 Français relevaient de cette catégorie ; ils auraient trouvé asile aux USA (24), en Allemagne (14) et au Canada (7)QK.
L’année 2016 a vu apparaître dans les statistiques la présence massive de Soudanais du Sud, suite à la guerre civile qui a éclaté fin 2013 entre les forces gouvernementales et les rebelles partisans de l’ancien vice-président Riek Machar.
Plus de 90% des réfugiés étaient issus de 20 pays. Parmi les dix premiers pays de provenance figurent : 1) la Syrie (5,52 millions, dont 2,8 en Turquie, 1 au Liban, 648 000 en Jordanie et 375 000 en Allemagne) ; 2) l’Afghanistan (2,5 millions, dont 1,3 au Pakistan et 951 000 en Iran) ; 3) le Soudan du Sud (1,4 millions, dont 639 000 en Ouganda, 338 000 en Éthiopie et 297 000 au Soudan) ; 4) la Somalie (1,01 million, dont 324 000 au Kenya, 255 000 au Yémen et 242 000 en Éthiopie ; 5) le Soudan (650 000, dont 312 000 au Tchad et 241 000 au Soudan du Sud) ; 6) la République Démocratique du Congo (537 000, dont 205 000 en Ouganda) ; 7) la République centrafricaine (490 000, dont 283 000 au Cameroun et 102 000 en RDC) ; 8) la Birmanie (490 000, dont 276 000 au Bangladesh et 102 000 en Thaïlande) ; 9) l’Érythrée (459 000, dont 165 000 en Éthiopie et 103 000 au Soudan) ; 10) le Burundi (408 000, dont 230 000 en Tanzanie). Suivent le Vietnam (329 000), l’Irak (316 000), la Colombie (311 000), le Rwanda (286 000), l’Ukraine (239 000), le Nigeria (229 000), le Niger (105 000), la Chine (208 000), le Mali (156 000) et le Sri-Lanka (117 000).
[%FDC|PaysRefugies|Localisation des pays d’origine des réfugiés dans le monde]
Les chiffres qui font état des personnes fuyant des conflits armés n’apparaissent dans les colonnes statistiques qu’un an, voire deux, après la date de début des affrontements.
Comme nous le voyons, les premiers pays d’accueil des populations en fuite sont les pays limitrophes, qui sont parfois également le théâtre de conflits et de persécutions.
Les réfugiés syriens, afghans, sud-soudanais, somaliens, etc. sont principalement accueillis par des nations voisines, à l’exception de l’Allemagne : 1) la Turquie (2,87 millions, presque tous des Syriens) ; 2) le Pakistan (1,35 million, presque tous des Afghans) ; 3) le Liban (1 million, quasiment tous des Syriens) ; 4) l’Iran (980 000, presque tous des Afghans) ; 5) l’Ouganda (940 000, notamment des Sud-Soudanais et des Congolais de la RDC) ; 6) l’Éthiopie (792 000, surtout Sud-Soudanais, Somaliens et Érythréens) ; 7) La Jordanie (649 000, en grande majorité des Syriens) ; 8) l’Allemagne (670 000, notamment Syriens, Irakiens et Érythréens) ; 9) la RDC (452 000, surtout Rwandais, Centrafricains et Sud-Soudanais) ; 10) le Kenya (451 000, en particulier Somaliens et Sud-Soudanais).
Parmi les pays dits « occidentaux » qui accueillent des groupes importants de réfugiés figurent, en plus de l’Allemagne, la France (305 000), les USA (273 000), la Suède (230 000), l’Italie (147 000), le Royaume-Uni (119 000), les Pays-Bas (102 000) et le Canada (97 000).
[%FDC|MouvementsDeRefugies|Les quinze premiers pays d’origine des réfugiés et leurs destinations principales]
Les camps de réfugiés
Il arrive très souvent que les populations menacées par un danger mortel soient obligées de s’installer dans une zone de sécurité proche du lieu de crise, juste au-delà de la frontière nationale, mais sans pouvoir se disperser au sein du pays d’accueil. C’est ainsi que se forment des camps de réfugiés, en règle générale pris en charge par le HCR. En 2014, ces camps étaient officiellement au nombre de 144 et abritaient plus de 2,6 millions de personnes. Les pays qui en accueillaient le plus étaient le Pakistan (27), le Tchad (20), l’Éthiopie (18), l’Ouganda (12), la Thaïlande (7), le Kenya (6), le Soudan, le Soudan du Sud et le Népal (5). Dans ces camps, les réfugiés les plus nombreux étaient, par ordre décroissant, les Éthiopiens (437 000), les Pakistanais (409 000), les Tchadiens (399 000), les Kenyans (384 000), les Ougandais (297 000), les Thaïlandais (122 300), les Soudanais du Sud (109 000), les Jordaniens (96 000), les Soudanais (74 000) et les Indiens (65 000). Les camps gérés par le HCR ne représentent pas l’intégralité des camps et des campements qui existent à travers le monde. Ainsi, les installations de Lesbos en Grèce ou du Calaisis en France (cycliquement démantelés et reconstitués) ne sont pas de son ressort.
[%FDC|CampsRefugies|Localisation des plus importants camps HCR de réfugiés]
Les demandeurs d’asile
Les dépôts de demande d’asile constituent la source permettant de connaître le nombre mondial de demandeurs d’asile qui attendent que la qualité de réfugié leur soit reconnue par les autorités du pays d’accueil. En 2016, il s’agissait surtout d’Afghans (368 000), d’Irakiens (278 000), de Syriens (184 000), d’Iraniens (87 000), de Congolais de la RDC (82 000), d’Éthiopiens (78 000), de Chinois (72 000), de Pakistanais (67 000), de Nigérians (66 000), de Mexicains (64 000), d’Érythréens (64 000), de Salvadoriens (62 000), de Somaliens (60 000) et de Birmans (55 000). Au vu de ces données, on constate que la liste des principales nationalités des demandeurs d’asile diffère considérablement de celle des réfugiés. En effet, les ressortissants de certains pays ont plus de mal à être reconnus comme des réfugiés. Les Afghans, les Iraniens et les Congolais, par exemple, sont en général soumis à une procédure beaucoup plus longue et à l’issue plus incertaine que les Syriens.
Les pays qui reçoivent le plus de demandes d’asile, et qui traitent plus des trois quarts des requêtes mondiales sont l’Allemagne (587 000), les États-Unis (439 000), la Turquie (245 000), l’Afrique du Sud (218 000), l’Italie (99 000), la Suède (83 000), l’Autriche (76 000), la France (62 000), la Malaisie (56 000), l’Égypte (49 000), le Kenya (43 000), le Royaume-Uni (43 000), l’Ouganda (41 000), la Grèce (39 000) et la Jordanie (35 000). En 2016, l’acceptation dans plus de 90% des cas des dossiers des Syriens et des Erythréens a contribué à augmenter de manière considérable le taux de reconnaissance du statut de réfugié, qui a atteint en Europe une moyenne de 33%, selon le Migration Policy Institute, et plus de 60% si l’on tient compte des statuts intermédiaires (protection subsidiaire, séjour pour raisons humanitaires, etc.).
Les déplacés internes, les réfugiés palestiniens et les apatrides
Les déplacés internes vivent les mêmes drames que les réfugiés, sauf qu’ils n’ont pas franchi les frontières de leur pays, où sévit souvent une guerre civile déclarée ou larvée. Les principaux pays concernés (90% du total) sont la Colombie (7,4 millions), la Syrie (6,3 millions), l’Irak (3,6 millions), la RDC (2,2 millions), le Soudan (2,2 millions), le Nigeria (2,2 millions), le Yémen (2 millions), le Soudan du Sud (1,85 million), l’Ukraine (1,8 million), l’Afghanistan (1,79 million) et la Somalie (1,56 million).
Les réfugiés palestiniens sont pris en charge exclusivement par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA, UN Relief and Works Agency). Ce dernier gère aujourd’hui 58 camps de réfugiés, qui abritent 1,4 million de personnes, et il s’intéresse de près au sort des 3,4 millions de Palestiniens vivant à l’extérieur des camps. Il intervient en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie, son action consistant notamment à assurer la survie des personnes concernées.
Les apatrides, qui comptent 3,5 millions de personnes officiellement recensées dans le monde, mais dont le nombre est estimé à plus de 10 millions, soit ont fui leur pays sans aucun document et n’ont pu, de ce fait, être naturalisées dans un autre pays, soit se retrouvent sans nationalité suite à des reconfigurations politiques et territoriales. Parfois, il peut également s’agir de groupes considérés comme indésirables tels les Rohingya en Birmanie. Les populations « sans patrie » les plus nombreuses se trouvent en Birmanie (9,26 millions), en Côte d’Ivoire (6,9 millions d’Africains de l’Ouest), en Thaïlande (4,87 millions, venus surtout de la Birmanie) et en Lituanie (2,4 millions), cette dernière délivrant des « passeports de non-national » aux personnes originaires de l’ancienne URSS.
Les migrants victimes de catastrophes naturelles
Si le terme « migrant climatique » est aujourd’hui largement usité, il serait plus approprié de considérer ce type de migrants forcés comme des victimes de catastrophes naturelles, climatiques ou pas.
L’ampleur du phénomène est importante, puisque l’on estime qu’entre 2009 et 2014 plus de 110 millions de personnes ont dû quitter leur lieu de vie à la suite d’inondations, de tsunamis, de cyclones, de sécheresses et de séismes. Face à de tels événements, lorsque les exilés quittent leur pays pour trouver refuge ailleurs, très souvent les pays d’accueil suspendent temporairement les procédures d’expulsion à leur encontre.
[%FDC|Climatiques|Catastrophes naturelles majeures entre 2009 et 2014]