Sources des données et fiabilité des chiffres

Migrations internationales et chiffres - © Migral

Dans les médias, lors des débats sur l’immigration, il est fréquent que les intervenants (souvent choisis pour que s’opposent des points de vue « pour » ou « contre » la présence immigrée) citent des chiffres ne reposant sur aucune explication scientifique et selon la forme qui leur semble la plus appropriée pour défendre (souvent en jouant sur les proportions) leurs arguments.

Cette même légèreté et liberté prises avec les données se retrouve parfois également dans des textes plus rigoureux, leurs auteurs faisant une confiance aveugle aux chiffres. Or, les bases de données internationales et nationales les plus connues, si elles ont le mérite d’exister et de donner un ordre de grandeur des phénomènes, sont contraintes d’assembler des informations très hétérogènes. Si certains pays disposent en effet d’instituts de statistiques très performants, d’autres sont confrontés à de multiples problèmes (techniques ou idéologiques), tandis que d’autres encore en sont totalement dépourvus (Antigua-et-Barbuda, Comores, Corée du Nord, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Somalie). Par ailleurs, pour une même population, les données diffèrent selon que l’on se réfère aux registres des pays d’émigration ou des pays d’immigration, aux catégories utilisées et à la périodicité des recensements.

Les Nations unies

Au niveau international, l’ONU et ses agences publient sur leurs sites respectifs les tableaux des immigrés en stock (nombre total d’immigrés présents depuis plus d’un an dans un pays autre que le leur) et en flux (variations annuelles de la présence immigrée dans le monde), détaillant les origines, les destinations, les tranches d’âge et les genres. C’est de là que provient le chiffre global de migrants internationaux régulièrement cité de 244 millions en 2015 sur les 7,25 milliards d’habitants que comptait alors la planète. Selon ce chiffre (n’oublions pas qu’il s’agit d’un stock), la migration ne concernerait que 3,4% de la population mondiale, alors qu’en réalité les données ne prennent en compte que les migrations régulières les plus récentes, sans inclure les naturalisations, les descendants d’immigrés, les sans-papiers, etc.

Au sein de l’ONU, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient constituent la principale source de données statistiques sur les réfugiés et les autres victimes de migrations forcées. Si les deux organisations font bien la différence entre « réfugiés », « populations déplacées » et « réfugiés climatiques », les médias ont, en revanche, tendance à regrouper toutes ces catégories sous le terme de « réfugiés », ce qui porte leur nombre à 60 millions au lieu des 18 millions qui relèvent de la définition de la convention de Genève.

L’OCDE et la Banque mondiale

Autre source importante de données chiffrées sur les tendances migratoires : les synthèses annuelles de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), à laquelle les 34 États membres, surtout des pays du premier monde, envoient régulièrement des rapports sur leur situation migratoire, qui vont alimenter le Système dobservation permanente des migrations (SOPEMI). Les rapports de la France sont rédigés par le ministère de l’Intérieur. Ce qui est surprenant dans les chiffres fournis par les États, c’est le très faible pourcentage d’entrées pour raison de travail : à croire que les migrants n’entreraient dans le premier monde que pour rejoindre leurs proches ou pour venir y étudier. C’est ainsi qu’aux États-Unis, par exemple, seul un peu plus de 6% des immigrés mexicains entreraient officiellement pour y travailler, alors que d’après les autorités du pays d’origine les départs de Mexicains en direction des USA pour raison de travail représenteraient plus de 40% des sorties.

En ce qui concerne les transferts de fonds des migrants, la Banque mondiale met à la disposition du public les montants détaillés des sommes envoyées par les travailleurs étrangers dans leur pays d’origine. Puisque en général les montants des transferts dépendent plus des flux des migrants que de leurs stocks (les migrants envoyant plus d’argent au pays durant les premières années d’immigration), les sources de la Banque mondiale permettent d’obtenir pour chaque pays un aperçu des principales populations récemment arrivées. Mais, là encore, il faut considérer les chiffres avec précaution. À titre d’exemple, selon l’ONU les Nigérians seraient 5 671 en France, et le Nigeria ne compterait aucun immigré français. De son côté, la Banque mondiale fait état de transferts de fonds annuels de 111 millions de dollars depuis l’Hexagone vers le Nigeria, autrement dit, chaque ressortissant de cet État enverrait tous les mois dans son pays 1 470 euros : ce qui est peu plausible !

L’Organisation internationale pour les migrations

L’OIM, née en 1951 à la suite du chaos de la Deuxième Guerre mondiale et qui, mandatée par les gouvernements européens, a organisé le transport de millions de déplacés dans les années 1950, est aujourd’hui une agence intergouvernementale majeure censée aider à gérer les migrations humaines selon le principe du « triple gagnant », qui veut que les migrations bénéficient à la fois aux pays d’origine (en utilisant les transferts de fonds pour leur développement), aux pays d’accueil (en leur fournissant la main-d’œuvre dont ils ont besoin) et aux migrants (en améliorant leurs conditions de vie). Très marquée par une vision économique et sécuritaire, l’OIM collecte des informations sur la réglementation relative à la migration et possède une base de données consultable en ligne sur les « instruments et normes régulant les migrations aux niveaux international et régional ». Parallèlement, l’OIM publie ses données sur la migration, les réfugiés, les migrants recueillis ou décédés en traversant la Méditerranée, etc.

L’Union européenne

Pour ce qui est de l’Union européenne, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) publie, via son site web, ses propres données sur les flux de migrants « illégaux » qui tentent de franchir les frontières communes par sept voies principales. En ce qui concerne les routes migratoires et leur représentation graphique, le site du réseau associatif Migreurop constitue une alternative critique à celui de Frontex.

Parmi les initiatives les plus intéressantes cofinancées par l’UE afin de collecter des statistiques et des informations sur la migration internationale, citons le Migration Policy Centre, qui porte son attention sur les principales aires de provenance de la migration à destination de l’Europe et du Golfe arabo-persique ; les rapports publiés par ce Centre profitent de l’expérience de spécialistes reconnus et d’une certaine « indépendance » politique.

Courriel
Facebook
Twitter
Flux RSS
Outils
Recherche