Les migrations durant l’entre-deux-guerres
La période de l’entre-deux-guerres se caractérise par une conjoncture économique mondiale marquée par un basculement de la croissance dans la récession, tandis que la méfiance s’accroît entre les nations gouvernées par des régimes antagonistes (communiste, nationaliste ou capitaliste). Les années 1920 représentent pour les États-Unis une période de prospérité économique, tandis qu’en Europe c’est surtout la France qui connaît un développement économique, source d’attraction pour la main-d’œuvre étrangère. Les années 1930, en revanche, sont marquées par le krach boursier d’octobre 1929, qui engendre une crise économique sans précédent, au cours de laquelle les flux migratoires changent d’intensité et de typologie : ils sont moins importants et davantage le fruit de persécutions politiques.
Xénophobie et « grande dépression » aux USA
En Amérique, la « joie de vivre » des années 1920 (« Années Folles ») cache en réalité des disparités et des problèmes sociaux importants tels que la formation de « banlieues sensibles » dans les grandes métropoles et la ghettoïsation de populations en raison de leur race ou de leur nationalité. La xénophobie et le racisme se manifestent à travers des lois anti-immigration et l’apparition de groupes prônant la suprématie blanche (le Ku Klux Klan compte plus de cinq millions de sympathisants au milieu des années 1920).
La crise économique des années 1930 frappe durement les USA, qui voient se développer pauvreté et chômage. Les travailleurs mexicains retournent massivement dans leur pays, tandis que, suite aux tempêtes de poussière (Dust Bowl) qui ravagent le Colorado, le Nebraska, le Kansas, l’Oklahoma et le Texas, plus de 200 000 Américains doivent quitter leurs maisons pour échapper à la famine et rejoignent les villes de Californie.
L’immigration en France durant l’entre-deux-guerres
Malgré les progrès industriels, dans l’Europe des années 1920 seule la France semble jouir d’une relative stabilité et prospérité. Si l’Allemagne sort humiliée de la Première Guerre mondiale, le Royaume-Uni se retrouve financièrement éprouvé, la Russie est en proie à la guerre civile et d’autres pays subissent l’instauration de dictatures nationalistes. La Roumanie, dont l’économie est en progression constante (pétrole et industrialisation), connaît une montée de la xénophobie à l’encontre de ses minorités (magyare, allemande, juive, ukrainienne, russe, turque, rom ou grecque), et finira par emprunter le chemin du nationalisme et de l’antisémitisme.
La France est la seule à cette époque à ne pas enregistrer de véritable croissance démographique. Avec 10% d’ouvriers en moins à l’issue du conflit mondial, l’Hexagone a un besoin urgent de main-d’œuvre, qu’elle va trouver en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Italie grâce aux agences d’immigration et à la Société générale d’immigration (fondée en 1924 par le patronat français). Paris devient également le refuge de nombreux antifascistes italiens, espagnols et portugais.
Cette importation massive de bras étrangers diminue sensiblement au cours des années 1930, même si les saisonniers des pays avoisinants poursuivent leur va-et-vient.
L’exil espagnol (1936-1939)
En 1936 une sanglante guerre civile éclate en Espagne, qui oppose les fascistes phalangistes de Francisco Franco (1892-1975) aux républicains socialistes, communistes et anarchistes. Elle se solde par la victoire des premiers au printemps de 1939. Durant le conflit, de nombreux partisans des deux camps se réfugient en France, en Algérie et au Maroc
. Lors de la défaite des républicains, plus de 440 000 Espagnols quittent Barcelone et ses alentours pour franchir, à bout de force et sous les bombardements ennemis, les Pyrénées. Le gouvernement français d’Édouard Daladier, dans un contexte de xénophobie croissante, ouvre ses frontières aux exilés, mais préfère d’abord créer des camps de concentration (construits à même le sable par les réfugiés, utilisés comme main-d’œuvre par les autorités) à Argelès-sur-mer
, à Barcarès et à Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales). Les réfugiés sont ensuite disséminés dans les 90 départements que compte le pays à l’époque.
L’Australie, terre d’accueil pour les Européens
La crise économique des années 1930 éloigne drastiquement les émigrés européens de l’Amérique du Sud, qui ne compte désormais que des flux migratoires régionaux. L’Australie, en revanche, adopte depuis le début du siècle une politique migratoire dite « blanche », qui favorise au début les Anglo-Saxons, puis les autres Européens. À la fin de la Première Guerre mondiale, l’immigration anglaise, « sponsorisée » par le gouvernement britannique et par des organisations religieuses protestantes, reprend de la vigueur. Puisque les États-Unis limitent l’immigration des Européens du Sud, un nombre croissant de jeunes hommes grecs et italiens prennent le chemin de l’Océanie. C’est également au cours des années 1930 que des colons juifs commencent à arriver en plus grand nombre dans cette partie du monde, fuyant les persécutions nazies.