Années 1900. Des migrants européens à Ellis Island attendent de passer un examen physique - © Britannica Kids

Les migrations de main-d’œuvre du XIXe siècle jusqu’à nos jours

D’un point de vue migratoire, l’ère contemporaine se caractérise par des facteurs et des typologies relativement inédits par rapport aux époques précédentes.

Parmi les aspects nouveaux et fondamentaux, rappelons : a) la révolution industrielle ; b) la fin officielle de l’esclavage ; c) la naissance des « États-nations » ; d) l’apparition d’agences d’immigration de travailleurs étrangers ; e) le progrès des moyens de transport ; f) les nombreuses déclarations et chartes relatives aux droits de l’homme ; g) les mouvements de populations au sein d’espaces coloniaux, anciennement coloniaux et supranationaux ; h) l’amélioration de la protection sociale dans les pays développés ; i) la lutte pour l’égalité hommes/femmes ; j) la prise en compte de la condition des exilés et des réfugiés.

Les idéologies capitalistes et marxistes qui se partagent la planète durant plusieurs décennies et qui ont une grande influence sur les sociétés mondiales tout au long de la période, font de la « force de travail » une valeur fondamentale, moteur de la richesse économique : plus la main-d’œuvre est bon marché, plus les gains de production industrielle deviennent importants. Les clivages et les écarts économiques majeurs entre les États en termes de coût du travail, de valeur des devises, de niveau de sécurité sociale, de protection juridique et de disponibilité de capitaux permettent aux investisseurs et aux entrepreneurs d’investir et de produire à moindre coût pour vendre à l’échelle planétaire avec une marge de gains énorme. Les migrants sont ainsi l’un des éléments clés de ce mécanisme, appelés ou attirés là où les marchés ont besoin de pourvoir des postes peu qualifiés ou/et dont les autochtones ne veulent pas.

Nous pouvons subdiviser schématiquement cette époque migratoire en six périodes :

  1. de 1830 à 1914, à savoir de la fin de l’esclavage dans les États du nord des USA au début de la Première Guerre mondiale : cette période de grandes migrations européenne et asiatique va combler les besoins en main-d’œuvre des colonies et des anciennes colonies ;
  2. de 1914 à 1929, à savoir de la Première Guerre mondiale au krach de la Bourse de New York : les États-nations sortent victorieux du conflit sur les Empires centraux, et la « nationalité » devient un concept clé dans la lecture des mouvements migratoires. La « Société des Nations », ancêtre de l’ONU, crée l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Haut Commissariat pour les réfugiés ;
  3. de 1930 à 1945, à savoir de la “grande dépression” à la fin de la Deuxième Guerre mondiale : quinze ans qui voient un changement de trajectoire des flux migratoires et l’apparition des exilés des dictatures européennes ;
  4. de 1946 à 1974, à savoir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale à la suspension de la migration de travail dans de nombreux pays d’immigration : dans un monde où la « guerre froide » voit s’opposer bloc capitaliste et bloc communiste, la reconstruction des pays durement frappés par le conflit mondial nécessite un afflux important de main-d’œuvre. Après vingt ans d’ouverture massive des marchés du travail aux étrangers, les pays d’immigration sont confrontés à l’émergence de la xénophobie, la crise économique des années 1970 fournira le prétexte pour suspendre l’immigration de travail ;
  5. de 1975 à 1989, à savoir de la suspension de l’immigration de travail à la chute du mur de Berlin : les pays d’immigration, qui pensaient au départ que les travailleurs étrangers retourneraient dans leurs pays respectifs, « découvrent » les questions et les problèmes liés à l’installation des immigrés et de leurs familles ;
  6. de 1990 à nos jours : la fin du rideau de fer draine des flux migratoires très hétérogènes de l’Europe de l’Est vers l’Europe occidentale, tandis que le Traité de Maastricht pose les piliers pour la construction d’une « Europe forteresse » à l’image de ce que font la plupart des pays d’immigration à l’intérieur de leurs frontières nationales, mettant davantage l’accent sur la sécurité des frontières que sur l’intégration des immigrés. Poussée par la révolution informatique, la mondialisation s’accélère, faisant émerger de nombreux conflits culturels et de civilisations.
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