Les migrations
Tout être humain, comme toute vie, est “mobile”. Le rapport de l’Homme avec l’espace est instantané et complexe, impliquant la libre circulation, l’appropriation, la confrontation avec des limites spatiales, l’adaptation, etc. Si se déplacer, parcourir de brèves distances tous les jours est considéré comme vital, affronter de longs périples, emprunter des chemins hérissés d’obstacles, découvrir des espaces inconnus est vu comme une aventure, un pari impliquant l’incertitude du retour vers le lieu associé à ses propres racines.
Pour cette raison naturelle tous les hommes sont des migrants, même si très peu d’entre eux migrent loin de “chez eux” pour une longue périodeQK. Bien qu’il soit impossible de calculer avec précision le nombre de personnes qui s’éloignent durablement de leur environnement d’origine vers une société différente, toutes les données recueillies montrent qu’il s’agit de 5 à 6% à peine de la population globale de la planète.
En matière de migrations, on peut tomber aisément dans le piège des mots et des raccourcis. En effet, ce ne sont pas les “termes” en eux-mêmes qui sont difficiles à comprendre, mais ce sont plutôt les contextes dans lesquels ils sont employés qui sont complexes. “Migrer” signifie simplement “se déplacer” loin de “chez soi” ; mais à quoi correspond l’expression “chez soi” ? Dans quelles conditions, pour quelles raisons, vers quelles destinations, selon quelles perspectives s’effectue ce mouvement ? Quels sont ses impacts, les questionnements qu’il entraîne, quel est son sens éventuel ?
Par ailleurs, la migration de larges groupes d’un point géographique déterminé vers un autre n’est jamais vraiment spontanée : elle est le fruit d’enjeux économiques et politiques majeurs, souvent fondés sur des formes d’injustice masquée, un déséquilibre ou une inégalité que des acteurs puissants ont intérêt à préserver. Une phrase de l’évêque italien Jean-Baptiste Scalabrini (1839-1905) résume bien le contenu éthique de ce concept : « Liberté de migrer, mais pas de faire émigrer »QK. Il n’est donc pas logique d’être pour ou contre la migration : on ne peut qu’être pour ou contre son exploitation à des fins utilitaristes.