Statistiques sur les migrations internationales
Pris dans leur globalité, les chiffres de l’ONU pour l’année 2015 dressent un panorama de la migration internationale qui montre les principaux pôles de départ et de destination, ainsi que les aires géographiques théâtre d’échanges importants de populations. Si les premiers présentent un solde migratoire très négatif, les seconds sont caractérisés par un solde migratoire nettement positif, tandis que les troisièmes affichent un solde migratoire proche de zéro, à savoir que l’immigration y est aussi importante que l’émigration.
Pôles de départ
Plus de 131 millions de migrants (53,3% du total) proviennent essentiellement de six régions : a) l’Asie du Sud (Inde en tête), d’où sont originaires près de 37 millions de migrants, des hommes majoritairement, qui se rendent principalement vers le Golfe arabo-persique ; b) l’ancien bloc soviétique (excepté la Russie ; Pologne et Ukraine en tête), qui compte quelque 35 millions d’expatriés, dont 24,4 originaires de l’Europe de l’Est et 10,6 venant du Caucase et de l’Asie centrale, vivant surtout en Europe occidentale et en Russie ; c) l’Amérique centrale et les Caraïbes (Mexique en tête) d’où migrent près de 23 millions d’individus, en particulier en Amérique du Nord ; d) l’Asie du Sud-Est, (« Tigres asiatiques » exceptés ; Philippines en tête), qui totalise plus de 17 millions d’émigrés, éparpillés pour la plupart entre les États voisins à fort dynamisme économique, les pays du Golfe arabo-persique et l’Amérique du Nord ; e) l’Afrique du Nord (sauf la Libye ; Égypte et Maroc en tête), dont les 10,4 millions de ressortissants se trouvent principalement en Europe occidentale et dans la péninsule arabe (en particulier les Égyptiens) ; f) la Chine, dont la diaspora est évaluée à 9,5 millions de personnes, installées partout dans le monde, mais avec des concentrations importantes en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord.
Pôles de destination
Les 243,7 millions de migrants recensés par l’ONU se répartissent essentiellement dans cinq régions du monde aux économies avancées : a) l’Amérique du Nord (USA et Canada), qui compte 51 millions d’immigrés (avec un solde migratoire positif de 47 millions) ; b) l’Europe occidentale (excepté le Portugal et l’Irlande, mais Grèce comprise), qui compte elle aussi 51 millions d’immigrés, mais qui présente un solde migratoire inférieur à l’Amérique du Nord (31 millions) ; c) les pays du Golfe arabo-persique (à l’exception du Yémen, mais Iran compris), où vivent 27 millions d’étrangers (et dont le solde est de 25 millions) ; d) les « Tigres asiatiques », à savoir des pays d’Asie du Sud-Est avec une très forte croissance économique (Japon, Taiwan, Hong-Kong, Macao, Brunei, Singapour, Malaisie et Thaïlande), qui attirent plus de 15,5 millions d’étrangers (et ont un solde migratoire de 9,5 millions) ; e) les grandes nations d’Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande), où vivent 7,7 millions d’immigrés (et affichant un solde migratoire de 6,4 millions). Ces pôles de destination concentrent plus de 60% des migrants internationaux.
[%FDC|SoldesMigratoires|Soldes migratoires dans les différents pays du monde]
Aires géographiques où l’immigration est aussi importante que l’émigration
Quelques pays présentent un solde migratoire relativement faible par rapport à l’intensité des mouvements de populations qui traversent leur territoire. C’est notamment le cas de la Russie, de l’Ukraine et de la Turquie. La première compte 10,6 millions d’émigrés, souvent installés dans l’ancien espace soviétique (Ukraine et Kazakhstan notamment), et 11,6 millions d’immigrés, ce qui la place de peu parmi les pays d’immigration. L’Ukraine, quant à elle, se trouve dans une configuration migratoire opposée, car si 5,8 millions d’Ukrainiens se trouvent à l’étranger (en Russie et aux USA notamment), 4,5 millions d’immigrés (surtout Russes et Biélorusses) se trouvent sur son sol. Enfin, la Turquie présentait en 2015 un solde migratoire négatif d’à peine 263 000 individus : plus de 3,1 millions de Turcs résidaient à l’étranger (surtout en Allemagne et en France), et 2,8 millions d’étrangers vivaient dans le pays, venant le plus souvent de Syrie et de Bulgarie. Le Nigeria est le plus important pays du continent africain à se trouver dans le même cas de figure que la Russie, l’Ukraine et la Turquie, puisqu’il compte 1,09 million d’émigrés contre 1,07 million d’immigrés.
L’Afrique subsaharienne, l’Amérique du Sud et le Proche-Orient
Allant à l’encontre de bien des idées reçues, l’Afrique subsaharienne n’est pas l’aire géographique d’où proviennent la plupart des immigrés dans le monde. Les pays africains, dans leur grande majorité, ont un solde migratoire certes négatif, mais faible, la Somalie (près de 2 millions) et la RDC (presque 1 million) détenant les records dans ce domaine. Dans la région, les principaux pays d’accueil demeurent l’Afrique du Sud (2,7 millions d’immigrés) et la Côte d’Ivoire (2,1 millions, avec un solde de 1,2 million). Parmi les autres pays, peu présentent des soldes migratoires (légèrement) positifs : le Kenya, le Tchad, l’Éthiopie, le Gabon, le Congo Brazzaville, le Rwanda, Djibouti, le Botswana, la Gambie et le Cameroun.
En Amérique du Sud, l’Argentine et le Brésil constituent les principaux pôles locaux d’immigration avec respectivement 2 et 0,8 millions d’immigrés, suivis par le Costa Rica, Panama et la Guyane. Depuis 2016, la situation politico-économique du Venezuela a bouleversé le cadre migratoire de la région. Ce pays, qui jusqu’en 2015 affichait un solde positif de plus de 1,4 million d’immigrés, subit actuellement un exode massif vers les pays limitrophes. Les données de 2018 montrent que plus de 3 millions de Vénézuéliens se sont expatriés. Outre le Venezuela, les pays de départ qui comptent le plus grand nombre d’émigrés sont la Colombie (2,6 millions) et le Pérou (1,4 million).
Depuis longtemps tourmentée par des tensions et des conflits, l’aire géographique qui comprend la Syrie, la Palestine et l’Irak connaît assez logiquement un exode marqué depuis les pays en guerre, les populations concernées se dirigeant en grande partie vers les pays en paix. 5 millions de Syriens et 1,5 million d’Irakiens ont trouvé refuge dans les pays limitrophes. Dans cette région vivent également des populations « sans territoire national », tels les Kurdes et les Palestiniens, bien que ces derniers possèdent un État reconnu par l’ONU.
[%FDC|PolesMigratoires|Les principaux pôles mondiaux d’immigration et d’émigration]
Pays à forte concentration d’immigrés
Dans certains pays, les immigrés sont plus nombreux que les autochtones. C’est notamment le cas de la plupart des pays de destination de la péninsule arabique : les Émirats arabes unis (88%), le Qatar (75%), le Koweït (73%) et le Bahreïn (51%). Beaucoup de petits États présentent également un fort pourcentage d’étrangers comme Singapour (45%), le Luxembourg (44%), la Jordanie (41%), etc. En revanche, la nation la moins touchée par la présence immigrée semble être la Chine, qui enregistre à peine 0,1% d’étrangers.
Observations
Les données globales n’opèrent aucune distinction entre migrations « économiques » et migrations « forcées », ni entre « migrants » au sens « commun » du terme (personnes provenant du tiers monde en quête de meilleurs revenus) et « expatriés » (individus issus du « premier monde » détachés par leurs entreprises ou cherchant à délocaliser leurs activités). Si les 10 nationalités les plus représentées parmi les émigrés concernent des pays en voie de développement (Inde, Mexique, Russie, Chine, Bangladesh, Pakistan, Ukraine, Philippines et Syrie), parmi les 30 premiers pays d’émigration figurent également le Royaume-Uni (11ème), l’Allemagne (15ème), les USA (21ème), l’Italie (22ème), le Portugal (28ème) et la France (29ème) ; ce qui prouve que la propension à émigrer n’est pas forcément le signe d’une économie sous-développée. Si l’on prend l’exemple du Portugal, le pays a beaucoup plus de ressortissants à l’étranger que le Soudan du Sud, mais son PIB est nettement supérieur.
La migration vers les pays limitrophes est la migration la plus « spontanée », et elle concerne le plus grand nombre d’individus. Par ailleurs, pour bon nombre de migrants la liste des destinations est très limitée : 98% des Mexicains se dirigent vers les États-Unis, 81% des Algériens vivant à l’étranger résident en France, 80% des Uruguayens vont en Argentine, 80% des Néo-Zélandais choisissent l’Australie, etc.
Dans certains cas, les femmes et les hommes d’un même pays ne migrent pas nécessairement vers la même destination. Ainsi, les Afghanes vont de préférence au Pakistan, tandis que les Afghans se rendent plutôt en Iran ; les Équatoriennes prennent plutôt la direction de l’Espagne, alors que les Équatoriens migrent surtout aux États-Unis ; dans les Émirats arabes unis les femmes indiennes sont moins nombreuses que les hommes indiens, mais elles sont plus présentes que leurs homologues masculins aux États-Unis, etc.
Si l’on observe la progression du stock de la migration internationale entre 1990 et 2015, l’on s’aperçoit que sa variation est proportionnelle à la croissance mondiale de la population. Les 243,7 millions de migrants représentent 3,32% de l’humanité contre 2,87% en 1990. Un écart aussi ténu entre les deux dates pourrait même s’expliquer par des erreurs de calcul ou bien par des évolutions dans les politiques de naturalisation menées par les États. Cela signifie que depuis bien des décennies et contrairement aux idées largement reçues, nous ne sommes pas en train d’assister à une « explosion » du nombre des migrants.
Enfin, en ce qui concerne l’Union européenne, en 2015 elle accueillait 34,1 millions d’immigrés provenant de pays tiers, soit 6,7% de sa population, moins de la moitié du pourcentage affiché par les USA (14,5%).