Les enfants d’immigrés à l’école
La présence d’enfants d’immigrés se remarque d’abord dans les écoles des villes et des quartiers où le pourcentage de travailleurs étrangers est important, et où ces derniers évoluent dans un environnement économique et social défavorisé. Quelque temps après l’arrivée de flux considérables d’ouvriers étrangers, ce sont en effet les établissements scolaires des pays d’accueil qui font face, les premiers, à des problématiques inédites liées aux conditions linguistiques, culturelles, familiales et sociales particulières de la progéniture de ces travailleurs.
Au vu des difficultés objectives qui affectent ces élèves, les responsables locaux ou nationaux chargés des questions d’éducation dans les régions ou les pays concernés se voient ainsi obligés d’organiser des classes spéciales pour les mettre au niveau de leurs camarades « autochtones »QK.
En France, la première circulaire émise par un rectorat concernant les enfants d’immigrés inscrits à l’école primaire remonte au 13 janvier 1970. Assez vite, l’Hexagone adoptera des dispositifs spécifiques, tels que les classes d’initiation (CLIN), les cours de rattrapage intégrés (CRI) et les classes d’accueil (CLA), dont la structuration sera confiée, en 1975, aux Centres de formation et d’information pour la scolarisation des enfants de migrants (CEFISEM), lesquels, réformés en 2002, deviendront les Centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV).
De faibles résultats scolaires
En plus des observations effectuées par la plupart des enseignants, les enquêtes et les statistiques montrent que, quel que soit le pays, les enfants d’immigrés ont en général de moins bons résultats scolaires (avec parfois d’énormes différences) que leurs homologues « autochtones ». C’est ainsi que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans les rapports périodiques de son Programme pour l’évaluation des étudiants internationaux (PISAQK), en comparant les résultats scolaires des jeunes âgés de 15 ans dans plus de vingt pays parmi les plus développés, conclut à chaque fois que ceux de la « génération 1,5QK » et de la « deuxième génération » réussissent moins bien aux tests de langue, de mathématiques, de sciences et de résolution de problèmes que les élèves « autochtones ». Et ce, bien que les élèves issus de familles étrangères fassent montre d’une plus grande motivation pour les études que leurs homologues « autochtones ». Les deux grandes enquêtes quantitatives conduites en France par l’INED et l’INSEE en 1992-1995 (Mobilité géographique et insertion sociale) et en 2007-2008 (Trajectoires et origines) arrivent aux mêmes conclusions.
Une lecture plus attentive des données
Toutefois, les travaux de nombreux chercheurs internationaux contredisent les résultats auxquels aboutissent les statistiques réalisées à grande échelle, et notamment l’affirmation d’une relation de dépendance entre le « facteur immigré » et les faibles performances scolaires. Si d’aucuns montrent que le facteur social (pauvreté, famille à problèmes, etc.) a une incidence négative plus importante que le fait d’être d’origine immigrée, d’autres relèvent qu’en donnant plus de temps aux enfants d’immigrés pour se mettre à niveau tout en décalant l’âge auquel s’effectue le choix de l’orientation scolaire, les résultats de ceux-ci s’améliorent progressivement jusqu’à s’aligner automatiquement sur ceux de leurs homologues « autochtones ». En outre, ces recherches attestent que le pourcentage d’enfants d’origine immigrée dans une classe n’est pas inversement proportionnel aux performances positives des enfants d’autochtones.
De leur côté, certains enseignants trouvent parfois les bonnes pistes pour résoudre la plupart des problèmes : un travail de valorisation des langues quelles qu’elles soient, une approche bi-directionnelle qui cherche également à intégrer les « autochtones » aux allochtones (et pas uniquement dans le sens inverse), une adaptation appropriée des programmes scolaires, une bonne synergie du corps enseignant, un engagement éducatif au-delà de l’espace strictement scolaire et un regard plus large en direction du monde des enfants et des contextes éducatifs dans d’autres régions de la planète. Par ailleurs, certains organismes et associations proposent ponctuellement aux enseignants des formations portant sur le phénomène de la migration humaine.
Les enquêtes les plus approfondies observent en outre que le niveau de performance des élèves peut aussi varier en fonction de la nationalité d’origine des parents, une situation qui serait due, d’une part, aux systèmes scolaires plus ou moins développés dans les pays d’origine, d’autre part, à l’investissement plus ou moins important des familles pour les études de leurs enfants, en prévision des difficultés envisagées lors de leur arrivée sur le marché du travail
Les difficultés scolaires annonciatrices des difficultés en matière d’emploi
Si les expériences d’enseignants et les études de nombre de spécialistes mettent en exergue les potentialités indubitables des enfants d’immigrés, dans la pratique ces considérations et attitudes positives restent assez minoritaires. Sans ourdir aucun complot contre les élèves étrangers ou enfants d’immigrés, l’école tend ainsi à constater leur taux d’échec et d’abandon supérieur à celui de leurs pairs « autochtones » et à les orienter davantage vers les filières professionnelles moins prestigieuses du système éducatif. Ce moment crucial de l’histoire de ces individus se répercutera sur le marché du travail et sur leur trajectoire professionnelle et sociale.