Enfants d'immigrés au Chili - © Agencia 1

Les enfants d’immigrés

Aux États-Unis, la question de l’« assimilation »

L’intérêt des chercheurs pour les descendants d’immigrés se manifeste aux États-Unis dans les années 1920 au sein d’un groupe de sociologues qui considèrent la ville de Chicago, destination d’une importante population de migrants internationaux et internes, comme un laboratoire privilégié d’observation des mécanismes collectifs humains. William Isaac Thomas (1863-1947) et Florian Znaniecki (1882-1958) étudient notamment le processus d’assimilationQK à la société américaine des paysans polonais ayant émigré à Chicago. En observant la trajectoire de ces immigrés et en la comparant avec celle de leurs enfants, les deux sociologues arrivent à la conclusion que cette démarche d’adaptation est inévitable et qu’elle s’effectue plus rapidement si une médiation est faite entre les cultures immigrée et autochtone, lesquelles, idéalement, devraient aller à la rencontre l’une de l’autre.

En 1964, un autre sociologue américain, Milton Gordon (né en 1918), dans son livre « L’assimilation à la vie américaine : le rôle de la race, de la religion et des origines nationales », énonce trois modèles théoriques en vue de l’« intégration » à la société américaine des populations d’origine immigrée au fil des générations. Refusant les extrêmes que sont l’« assimilation » et le « pluralisme culturel », il se déclare plutôt en faveur du modèle du « creuset » qui fusionne dans une même unité les éléments provenant de tous horizons.

En Europe, la question du malaise des jeunes des quartiers « sensibles »

Si des années 1920 aux années 1960 l’Amérique enquête sur le devenir des enfants d’immigrés pour suivre l’évolution de son identité changeante, quelques années plus tard, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse, au Benelux et dans les pays scandinaves, les sociétés sont confrontées aux problèmes et aux malaises qui émergent au sein de classes scolaires à fort pourcentage d’« éléments étrangers » et, en différents endroits, aux émeutes et aux revendications de jeunes qui se sentent discriminés par rapport à leurs homologues « nationaux de souche ». Les enseignants font le constat que les enfants d’immigrés ont un faible taux de réussite par rapport à leurs pairs nés de familles autochtones, et se disent contraints de les orienter quasi inévitablement vers les filières professionnelles. Pour certains observateurs, la « deuxième génération » d’immigrés serait condamnée à rester dans la même classe sociale que la « première ». Et pourtant, dans les pays de l’Europe du Nord beaucoup de descendants des premières vagues migratoires expérimentent une ascension sociale satisfaisante, tandis qu’en Amérique ils font désormais partie des élites du pays.

Quels critères d’intégration ?

Même si elle est exprimée de façon très confuse et approximative, aujourd’hui la préoccupation des sociétés des pays d’accueil concernant l’« intégration » des enfants d’immigrés est toujours très perceptible. Chercheurs et hommes politiques ont parfois dressé des listes de « critères », d’« étapes » ou de « degrés » capables de « mesurer » le niveau d’intégration de ces personnes sur la base de leur conformité aux attitudes, aux coutumes et aux valeurs des autochtones. Parmi ces paramètres figurent souvent les index de fécondité, la consommation de certains types de nourriture, l’adhésion aux principes de tolérance ou de laïcité, la conformité aux choix politiques majoritaires, la loyauté envers la « nation », etc.

Il en résulte souvent un cadre assez contrasté. Si, d’un côté, chez les enfants d’immigrés la tendance est plutôt à l’assimilation, de l’autre on constate qu’ils tiennent à la préservation de certaines références identitaires, souvent associées, à tort ou à raison, d’abord à la sphère religieuse, et ensuite à l’histoire et à certaines traditions.

Beaucoup de rapports sur ces thématiques oublient qu’en matière de choc culturel les minorités sont presque toujours les grandes perdantes, lesquelles, avant de se dissoudre au sein de la majorité, s’accrochent affectivement à des symboles qui évoquent leurs origines.

Double appartenance ou double exclusion ?

Plus que les petits-enfants ou les arrière-petits-enfants, les enfants d’immigrés se trouvent dans une position ambiguë quant à leur appartenance aux groupes nationaux du pays d’origine et d’immigration de leurs parents. La capacité d’interagir simultanément et de manière naturelle avec deux cultures, qui apparaît comme une chance valorisante, présente parfois dans la réalité un double handicap : celui d’être considéré comme un étranger par chacun des deux groupes.

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