Les droits des migrants

Mobilisation de l'Union Départementale des Hauts-de-Seine et du Collectif migrants CGT - Juillet 2013 - © Syndicat CGT / Auto Inergy Division

Comme tout individu, chaque immigré est sujet de droits inaliénables quel que soit son statut juridique. Dans les législations nationales des principaux pays d’immigration dits « occidentaux » ces droits sont souvent appliqués, bien que plusieurs obstacles pratiques se dressent devant les immigrés, notamment ceux dépourvus de titre de séjour. Dans le cas de la France, par exemple, les sans-papiers bénéficient, parfois sous certaines conditions, de droits : domiciliation, hébergement d’urgence, (ouverture d’un) compte bancaire, services postaux, aide juridictionnelle, aide médicale d’État (AME), aides pour les soins vitaux, IVG, mariage, union civile (PACS, concubinage), aide sociale à l’enfance, protection maternelle et infantile, scolarisation des enfants, bourses d’études, certaines prestations sociales, assurance contre les accidents du travail, réductions des frais de transport, etc. En outre, ils ont l’obligation de déclarer leurs revenus, ce qui correspond à une reconnaissance de leur rôle socio-économique dans le paysQK. Il est fréquent de constater que les administrations publiques méconnaissent les lois à ce sujet.

Parmi les nombreux accords internationaux qui concernent les migrants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990 est emblématique des rapports entre les politiques migratoires des États et les droits des migrants. Nous nous focaliserons donc sur ce document pour en saisir les enjeux et souligner les difficultés que rencontrent ponctuellement toutes les tentatives pour proposer des conventions semblables.

Historique de la convention de l’ONU sur les droits des travailleurs migrants

Dans les pays d’origine de la main-d’œuvre internationale, l’émigration massive de la fin du XIXe et du début du XXe siècle avait suscité des questionnements au sujet de la protection de leurs travailleurs à l’étranger. En 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT) fut créée dans le but d’améliorer la condition et le niveau de vie des travailleurs à travers le monde ; elle s’intéressa dès le début aux « travailleurs occupés à l’étranger ». À l’époque, l’OIT rédigeait des modèles d’accords bilatéraux entre les pays fournisseurs de main-d’œuvre et les pays demandeurs de bras. En 1939, l’Organisation rédigea une « Convention sur les travailleurs migrants » (n° 66), qui ne fut jamais signée par aucun État. Après la création de l’ONU en 1945, l’OIT révisa la Convention de 1939 et la remplaça par celle de 1949 (n° 97) ; ce nouveau texte avait pour objectif de servir de modèle pour les traités et les accords régionaux ou bilatéraux de travail entre les États.

Lors des vagues migratoires successives du deuxième après-guerre, une « stratification des droits » commença à se faire jour, qui distinguait parmi les travailleurs immigrés ceux dont les pays d’origine bénéficiaient ou non d’accords spécifiques. Au début des années 1970, la suspension de l’immigration de travail, adoptée par la quasi totalité des pays d’accueil, créa les conditions favorables pour une augmentation de la pression migratoire et le développement de l’immigration clandestine. Entre 1972 et 1975, l’OIT essaya d’attirer l’attention des Nations unies sur la question des migrants sous deux angles d’approche : les droits de l’homme enfreints par les discriminations d’une part, et le droit du travail censé s’appliquer également aux migrants en tant que travailleurs d’autre part. En 1975, l’Assemblée générale de l’ONU invita les États à abandonner le terme « migrants illégaux » au profit de « migrants irréguliers ». Une nouvelle convention de l’OIT vit le jour la même année (n° 143), mais elle ne suscita pas l’adhésion escomptée. Ses initiateurs préférèrent donc faire appel à l’autorité de l’ONU pour que celle-ci mette en place, en 1979, une commission de travail chargée de rédiger le texte dans sa version actuelle.

En raison des difficultés rencontrées par la commission (changements de membres, évolutions du panorama migratoire – des pays d’émigration devenant des pays d’immigration – et pressions exercées notamment par les pays de destination de la migration), ce texte mit plus de dix ans à aboutir.

Finalement, la convention fut adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 18 décembre 1990. Une décennie plus tard, la même institution fera de cette date la « journée internationale des migrants » (résolution A/RES/55/93).

Obstacles à la ratification du texte par les pays d’immigration

Les principales critiques à l’encontre de la Convention diffèrent selon qu’elles émanent des pays d’accueil ou des pays d’origine des migrants. Les premiers considèrent que la convention protège trop les immigrés irréguliers, tandis que les seconds jugent que le texte ne restreint pas assez le droit des États à établir leurs propres critères d’admission. Les obstacles majeurs à la ratification de la convention pourraient se résumer dans les points suivants :

  1. Impossibilité de reconnaître non seulement le droit d’émigrer mais également celui d’immigrer ;
  2. Difficulté d’accepter le respect et la promotion de l’identité culturelle des travailleurs migrants ;
  3. Négation officielle d’une réouverture des frontières à l’immigration économique ;
  4. Tentation de criminaliser l’immigration irrégulière ;
  5. Volonté de disposer à des fins économiques d’une main-d’œuvre non soumise de fait au code du travail ;
  6. Difficulté de garantir la protection et la sécurité sociale à un nombre plus élevé de travailleurs et de personnes ;
  7. Approche sécuritaire concernant l’immigration qui caractérise la plupart des politiques migratoires actuelles.

Un document révélateur

Entrée en vigueur en 2003, la Convention n’a été ratifiée que par 37 pays, aucun ne figurant parmi les principaux pays « d’immigration » que compte la planète. « Si personne ne conteste, sur le papier du moins, la nécessité de protéger les femmes, les enfants ou les victimes de torture et de discrimination, la protection des migrants ne fait l’objet d’aucun consensus de ce type » (P. de Guchteneire et A. Pécoud)QK.

Les enjeux sécuritaires et économiques priment donc ceux des droits de l’homme au-delà des discours “politiquement corrects”.

Parallèlement, le phénomène de l’augmentation des immigrés irréguliers révèle l’attitude paradoxale des gouvernements et des opinions publiques : les grandes entreprises et les grands groupes économiques tirent la plupart de leurs bénéfices d’une main-d’oeuvre très précaire, mais il s’agit d’une nécessité socialement et culturellement mal tolérée. Curieusement, le texte ne fait pas référence à des « pays d’accueil », mais il emploie plutôt l’expression « pays d’emploi ».

Les articles constitutifs de la Convention témoignent implicitement de toute une série de pratiques négatives auxquels les travailleurs migrants sont exposés : confiscation de documents, séparation forcée de la famille, horaires impossibles, inégalité de traitement, privation de repos, etc.

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