La société interculturelle
La perspective interculturelle, souvent appliquée au seul domaine de l’éducation, devrait en réalité s’étendre à l’ensemble de la société, surtout lorsque celle-ci est constituée d’une multiplicité de références culturelles.
Les codes culturels
Chaque individu entre en contact avec son environnement de naissance grâce à des schémas de comportement élaborés au cours de l’histoire de son peuple ou de sa communauté, et qui lui sont transmis par ses parents et par les membres de son groupe d’appartenance. En plus de la langue, tout un éventail de codes culturels spécifiques lui permet de trouver sa place parmi les autres, d’interagir avec eux, de manifester ses pensées et ses émotions.
Comme l’estime de soi joue un rôle central pour la personnalité, au sein des codes culturels les comportements qui se réfèrent à l’honneur ou au respect apparaissent comme particulièrement cruciaux et délicats pour les relations sociales. Si chaque être humain grandit dans un milieu culturellement bien déterminé selon des appartenances héritées (par exemple : être un enfant d’immigré tout en étant un national à part entière), chaque personne peut néanmoins acquérir de nouveaux codes culturels, qui lui permettent de communiquer et d’être à l’aise avec des populations qui lui sont étrangères, tout en veillant à ne pas blesser l’honneur de l’Autre.
La société interculturelle
L’idéologie interculturelle rêve d’une société dans laquelle non seulement des populations de cultures différentes cohabiteraient sans conflits majeurs (= pluralisme culturel), mais où, en plus, chaque groupe culturel interagirait dans un respect mutuel, sans se replier sur lui-même. Dans cette optique, aucun individu ne devrait « s’intégrer » à un (seul) groupe déterminé, mais il existerait des citoyens aux appartenances multiples qui auraient conscience et connaissance des diversités présentes dans la société et qui ne craindraient pas de s’en rapprocher.
Donner à chaque culture la possibilité de se préserver, de s’exprimer et d’évoluer ne signifie pas pour autant tomber dans un relativisme général source d’incompréhensions et de chocs culturels. Le concept de société interculturelle « ne néglige pas l’unité linguistique et juridique qui coiffe les diversités culturelles et, au besoin, les limite. Il y a, en effet, un seuil à ne pas dépasser dans le droit des groupes ou communautés minoritaires au maintien de leurs cultures. Ce dépassement consisterait soit à refuser de comprendre la ou les langues officielles des pays concernés, soit à établir des règles juridiques indépendantes de celles en vigueur dans ces pays (par exemple, le statut personnel ou familial) » (A. Perotti)QK.
Dans le cas des principaux pays européens d’immigration, certains acquis éthiques sont considérés comme irréversibles : « la règle démocratique du consensus social, le respect des droits de l’homme, la liberté de l’individu face aux pressions communautaires » (A. Perotti), la séparation formelle entre pouvoir public et autorité religieuse.
Une société interculturelle est une société façonnée, entre autres, par les migrations et se veut construite sur le dialogue, la négociation et la capacité de chaque individu d’entrer en contact avec différentes formes de pensée et de comportement, sans crainte de perdre ses appartenances fondamentales.
Aspects pratiques
Si les cultures autochtones jouent le rôle de garantes de l’unité, ceux qui se reconnaissent en elles doivent cependant veiller à présenter cette primauté comme un service utile au bien commun, sans recourir à des moyens « humiliants » (= imposés par la force sous prétexte d’une supériorité supposée) pour les minorités. Dans tous les domaines de la vie sociale (école, administration, travail, politique, relations humaines, etc.), il faut préférer la voie de la concertation pour fixer les règles communes, au-delà de ce qu’impose la loi. De nombreux établissements scolaires, ainsi qu’un certain nombre d’entreprises, ont déjà élaboré dans la pratique des façons de concilier, notamment, les exigences religieuses de certains élèves ou de certains employés avec les réglementations qui ont normalement cours dans le pays, et ce, sans devoir modifier radicalement les habitudes des uns ou des autres. Plus les questions susceptibles de générer des tensions sont abordées clairement au début des relations entre personnes de cultures différentes, et moins elles seront source de conflits.