Le projet migratoire

Un migrant face aux perspectives de son avenir - © Migral

À de rares exceptions près, les migrants projettent ou rêvent de retourner dans leur terre d’origine. Les pays d’accueil, bien que décrits parfois comme des paradis, font figure de “parents adoptifs” auxquels on préfère normalement les parents biologiques.

Le projet migratoire de tous les migrants est donc simple : partir, travailler à l’étranger aussi longtemps que nécessaire en vue de gagner le capital suffisant pour rentrer et vivre mieux dans sa patrie.

Si cette perspective est envisageable pour ceux qui peuvent retourner d’où ils étaient partis, pour la grande majorité des réfugiés, des déplacés ou des migrants climatiques, en revanche le retour s’avère quasiment impossible et leur migration est synonyme d’exil.

Au fil des années, les migrants qui vivent et travaillent à l’étranger sont amenés à modifier leur projet migratoire. Si la perspective du retour est ancrée dans les esprits, le moment de sa mise en œuvre est moins évident. Beaucoup de facteurs concourent à l’allongement de la durée du séjour à l’étranger : les conditions économiques, les politiques migratoires des pays d’accueil, le développement du pays d’origine, etc.

La formation d’une famille en terre étrangère, la naissance d’enfants ou le regroupement familial constituent les tournants principaux qui déterminent le choix de rester pour toujours dans le pays d’accueil. Avant, les migrants vivent dans le “provisoire” ou dans le “temporaire” : ils n’investissent pas dans l’achat d’une maison dans le pays d’accueil, ne recherchent pas de promotion professionnelle ou sociale, ils se contentent d’une interaction minimale avec les autochtones et effectuent régulièrement des transferts de fonds.

Dans la plupart des cas, le coût de la réinsertion dans le pays d’origine incite beaucoup d’immigrés à rester dans le pays d’accueil. Rentrer signifierait pour nombre d’entre eux la perte d’avantages économiques et sociaux, de repères personnels ainsi que l’abandon des réalisations accomplies.

Réussir la migration, une idée très subjective

D’un point de vue existentiel, le projet migratoire est lié à l’idée (très subjective) du “succès” de la migration : pour chaque individu qui migre, le choix de partir (lorsqu’il s’est agi d’un choix) revêt la forme d’un investissement humain et financier auquel doit correspondre un gain plus important. Celui-ci peut se traduire par la réussite en termes de compétences acquises, de ressources matérielles accumulées, d’un avenir meilleur pour soi-même et ses proches, et parfois même en termes d’acceptation et de reconnaissance de la part des autochtones.

Si la conception de la réussite migratoire engendre des motivations fortes pour faire face aux déqualifications et aux humiliations, elle peut néanmoins se transformer en un mécanisme pervers de renoncement à des droits et à des aspects fondamentaux de l’existence, le migrant se laissant absorber par des horaires de travail et des conditions de vie impossibles, qui affecteront sa vie et celle de ses proches. N’arrivant pas à atteindre le but fixé, certains reporteront leurs espoirs de réussite sur leurs enfants, afin que ces derniers accèdent à la promotion sociale qu’eux-mêmes n’ont pas pu réaliser.

Mieux penser le projet migratoire

Beaucoup d’immigrés vivent dans un entre-deux, le corps dans le pays d’accueil et la tête dans le pays d’origine, situation qui rend leurs choix et décisions plus difficiles. Pour éviter toute désillusion et déconvenue, la nécessité de bien penser le projet migratoire s’avère essentielle en tenant compte des moyens, du nouvel environnement, de la faisabilité et réussite de leur projet. Nombre de migrants considèrent l’aventure migratoire comme un sacrifice pour leur groupe familial, sans se rendre compte que beaucoup de leurs aspirations individuelles ne se réaliseront pas.

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