La traite et l’esclavage des Noirs

Les premiers esclaves noirs transportés en Virginie - © Rischgitz-Getty Images

La traite (Cf. [#4]) des Noirs, déjà pratiquée dans le monde musulman depuis le VIIIe siècle, s’est poursuivie jusqu’au XIXe siècle. Il est impossible de quantifier l’ampleur de ce phénomène, mais le nombre de personnes concernées devrait dépasser le million. À Quelimane (Mozambique), Kilwa, Zanzibar (Tanzanie) et Mombasa (Kenya), les esclaves noirs étaient soit vendus à la Perse, soit destinés aux navires européens naviguant dans l’océan Indien ; de l’Éthiopie, de Berbera (Somalie), de Massaoua (Érythrée) et de Suakin (Soudan), les convois d’Africains capturés partaient vers la Péninsule arabe ; de l’Afrique centrale et orientale (Centrafrique, Tchad, Cameroun, Nigeria), les caravanes emmenaient les personnes destinées au travail forcé vers les ports de l’Empire ottoman du Machrek (Bengasi, Alexandrie) ; de Tombouctou (Mali) et de Kano (Nigeria), les commerçants d’esclaves transportaient ces derniers vers le Maghreb, d’où ils pouvaient être vendus aux royaumes de l’Europe occidentale.

L’importation des esclaves noirs aux Amériques

La traite atlantique des Noirs commence vers 1460, lorsque les Portugais emmènent des esclaves ouest-africains au Cap-Vert pour les faire travailler dans les plantations de canne à sucre. Au début du XVIe siècle, les Espagnols font de même pour les Antilles, tandis qu’en 1534 leurs rivaux ibériques les imitent pour les cultures du sucre et du café au Brésil, pays qui enregistrera le nombre le plus élevé d’Africains amenés de force : 3,6 millions d’individus. Durant le XVIIe siècle, d’autres puissances européennes, l’Angleterre, la France, les Pays-Bas et le Danemark notamment, transportent des Noirs vers les Amériques ; à la fin du siècle, dans les Caraïbes, les Noirs sont plus nombreux que les Blancs, parfois même beaucoup plus, comme en Jamaïque et en Haïti.

Les ports de provenance des esclaves se trouvent surtout sur les côtes occidentales de l’Afrique, souvent appelées du nom de leurs ressources principales : Sénégal, Gambie, Côte d’Ivoire, Côte d’Or (Ghana), Côte des Esclaves (Nigeria), Angola et Mozambique (Cf. la carte en cliquant ici). Sans s’éloigner des côtes, pour ne pas s’exposer aux dangers dans les zones tropicales, les Européens chargent des agents, payés à l’avance, de préparer pour l’année suivante une cargaison d’esclaves prêts à partir. Ces derniers sont ensuite entassés dans les soutes sombres des navires pour y rester pendant au moins six semaines, enchaînés, mal nourris, sans possibilité de se laver ou de s’éloigner pour satisfaire leur besoins naturels. Dans ces conditions, un sur cinq décède durant la traversée et ceux qui survivent ont parfois une espérance de vie de sept ou huit ans, notamment s’ils travaillent dans les plantations.

Jusqu’au XVIIIe siècle, l’Espagne possède une sorte de monopole de la traite des esclaves, dit « Asiento de Negros », qu’elle doit, cependant, céder à l’Angleterre à la fin de la Guerre de Succession d’Espagne (1713), à titre de compensation suite à la victoire de Louis XIV qui met sur le trône son petit-fils, Philippe V d’Espagne (Traité d’Utrecht) : chaque année, l’Angleterre a ainsi le droit de faire la traite de 4 800 esclaves noirs pour le compte de la couronne espagnole et devient pratiquement le pays leader de la traite. Certains historiens considèrent même l’Angleterre comme l’inventeur du commerce triangulaire : les produits européens servent à l’achat des esclaves, qui vont alimenter la production de rhum, de sucre, de tabac, de café et de coton, avant que ces denrées soient ramenés en Europe.

En plus des Antilles, du Mexique, de la baie de Maracaibo (Venezuela), des Guyanes, du Brésil (Rio et Recife), de la Plata (Argentine, Uruguay) et de l’Équateur, grâce aux colonies anglaises et françaises les esclaves noirs sont également employés en Amérique du Nord. Les premiers sont importés dans la Virginie anglaise en 1619, mais leur nombre augmente sensiblement au cours du siècle suivant, lorsque les navires les conduisent régulièrement dans les ports de la Nouvelle-Orléans, de Charleston, de Jamestown et de Baltimore pour travailler dans les très rentables plantations de tabac. Si, après la Révolution américaine (1776) les États du nord des États-Unis abolissent l’esclavage, ceux du Sud, qui ont découvert une nouvelle ressource économique dans le coton, continuent d’importer massivement des esclaves entre 1800 et 1808, date à laquelle les Noirs représentent 19% de la population étasunienne. L’esclavage deviendra alors un enjeu majeur de la Guerre de Sécession (1861-1865).

Les esclaves noirs tentent souvent de se rebeller, mais n’y parviennent que rarement, sauf à Haïti en 1803. Parfois, ils arrivent à s’échapper et à fonder des sortes de républiques cachées dans les îles des Caraïbes ou dans les forêts du Brésil.

L’abolition de l’esclavage

Au début du XIXe siècle on estime que la population nord-américaine est constituée de 9 millions de Blancs, 2 millions de Noirs et 0,6 millions d’Indiens, tandis que l’Amérique latine est peuplée par 7,5 millions d’indigènes, 5,3 millions de métisses, 3,3 millions de Blancs et 1 million de Noirs.

La plupart des lois interdisant l’esclavage apparaissent entre 1808 (Grande-Bretagne) et 1850. Au Brésil l’abolition n’est décrétée qu’en 1888. Parallèlement, quelques milliers d’anciens esclaves prennent le chemin du “retour” vers l’Afrique, surtout au Liberia et en Sierra Léone, mais également au Bénin, au Togo et au Nigeria.

La traite atlantique des esclaves noirs a ainsi vu douze millions de personnes être enlevées d’Afrique, dont près de 2,5 millions ont péri durant le transport et beaucoup plus sont mortes sous les coups et les punitions.

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