La question des réfugiés : évolutions après la Deuxième Guerre mondiale
La Convention de Genève
En 1945, le monde découvre l’étendue des horreurs commises par les nazis et ne peut que constater les bouleversements survenus en Europe et leurs conséquences. Parmi celles-ci, il y a la situation des millions de personnes déplacées en Europe. Ceux qui sont fiers d’avoir vaincu « la barbarie » au nom d’une certaine conception de l’être humain doivent se préoccuper du sort de ces personnes, dont un très grand nombre sont privées de protection nationale.
Déjà, avant la fin de la guerre, des mesures avaient été prises et des organismes internationaux créés pour s’occuper des réfugiés. Par la suite, en 1946, l’Organisation des Nations unies avait décidé la création de l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR), qu’elle remplacera, à partir de 1951, par l’Office du haut commissaire pour les réfugiés, dont le statut sera adopté à la fin de 1950.
L’entrée en action du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est suivie de près par la signature, le 28 juillet 1951, à Genève, d’une convention sur le statut des réfugiés, qu’elle définit de manière très générale
:
* le réfugié est une personne qui se trouve hors de son pays (celle qui est sur le territoire de son État national est soumise à la souveraineté de ce dernier et nul autre ne peut y exercer de souveraineté) ;
* il craint avec raison d’être persécuté ;
* le motif des persécutions craintes ou subies par la personne relève « de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » ;
* le réfugié ne peut ou, du fait de ses craintes, ne veut se réclamer de la protection de l’État dont il a la nationalité ;
* les événements ayant provoqué le départ du pays d’origine doivent être antérieurs au 1er janvier 1951 ; en outre, au moment de la signature, chaque État déclare s’il limite ou non les événements pris en compte à ceux survenus en Europe.
Même si la convention de 1951 contient une réserve temporelle et même si les États peuvent apporter une limite géographique à son champ d’application, la définition du réfugié qu’elle donne est de portée universelle. Par ailleurs, l’étendue des causes énumérées et la latitude d’interprétation que laisse la notion de « certain groupe social », permettent, si la volonté existe, de répondre, sinon à la totalité, à la presque totalité de situations où il y a défaut de protection nationale.
La convention énumère également les cas où une personne répondant à la définition du réfugié peut être exclue du bénéfice de la protection qu’elle organise. Ces sont les clauses dites d’exclusionQK.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (hcr)
Lorsque les Nations unies instituent le HCR elles lui confient, notamment, les « fonctions de protection internationale » des réfugiés. Ne disposant pas de force contraignante et n’étant pas doté d’un territoire, le HCR exerce sa tâche de protection en veillant aux intérêts des réfugiés auprès des États nationaux, sur le fondement des textes internationaux relatifs aux réfugiés. Ces textes laissent aux États signataires le soin d’organiser la procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié au moyen de leur législation nationale et aucun ne leur impose l’obligation d’accueillir les réfugiés sur leur territoire. Un État a également la possibilité de refuser le séjour - c’est-à-dire l’asile - à une personne à laquelle lui-même aurait reconnu la qualité de réfugiéQK. L’engagement pris est celui de ne pas renvoyer un réfugié, de quelque manière que ce soit, vers un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacée. C’est le principe du non-refoulementQK. En acceptant ce principe, les États s’engagent, dans le pire des cas, à accorder au réfugié un asile tout précaire, le temps qu’il trouve un État qui lui offre un séjour plus stable. Quoi qu’il en soit, l’acte d’accorder l’asile demeure distinct de l’acte de reconnaissance de la qualité de réfugié. Même si, dans la pratique, la presque totalité de ceux qui sont reconnus réfugiés dans un pays se voient accorder le droit d’y séjourner - l’asile, donc - leur séjour est régi par des lois nationales, qui varient d’un pays à l’autre.
Le premier mandat du HCR est provisoire, d’une durée de trois ansQK. Cela traduit l’espoir, depuis lors toujours symboliquement réaffirmé, que le problème des réfugiés sera rapidement réglé. Dans la réalité, il en va autrement. De nouvelles figures de réfugiés apparaissent. En 1956, pour appliquer la convention de Genève aux Hongrois, les États sont obligés d’interpréter de façon très large l’expression « par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 » qui figure dans la définition du réfugié. Par ailleurs, dès le début des années 1960, en Afrique, des mouvements de réfugiés ont lieu, qui ne peuvent être rattachés à des faits antérieurs à 1951. En outre, au cours de la décennie, quelques Latino-Américains cherchent asile en Europe. La Convention de Genève ne peut pas s’appliquer à tous ces réfugiés, qui, cependant, relèvent de la protection définie par le mandat du HCR.
Pour adapter les textes à la réalité, les États signent, le 31 janvier 1967, le protocole de New York, dit aussi de Bellagio, qui supprime la limitation temporelle prévue à la convention de Genève et interdit aux nouveaux signataires d’apporter une limite géographique à la définition du réfugié.
En 1969, dans le cadre de l’Organisation des États africains, ces derniers signent une convention régionale sur les problèmes concernant les réfugiés en Afrique. Le texte reprend la définition du réfugié de la convention de Genève et ajoute que les situations découlant « d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité » du pays d’origine, sont couvertes par la convention.
Enfin, en 1984, dans le cadre de l’Organisation des États américains, la déclaration de Carthagène, qui cible les réfugiés d’Amérique centrale, reprend également la définition de la convention de Genève, en l’étendant « aux personnes qui ont fui leur pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, une violation massive des droits de l’Homme ou d’autres circonstances ayant perturbé gravement l’ordre public ».