La politique du regroupement familial
Si le droit au mariage, à la filiation et de fonder une famille sont clairement inscrits dans la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, le « droit à vivre en famille », qui pour les migrants se traduit par le « droit au regroupement familial », n’y est pas directement mentionné.
C’est en partie pour cette raison que dans les principaux pays d’immigration la reconnaissance du droit au regroupement familial est relativement récente et très souvent encore sujette à la discrétion des gouvernements nationaux. En effet, octroyer le séjour aux membres de la famille d’un immigré ou d’une immigrée, signifie souvent permettre l’installation stable d’étrangers sur le territoire et de voir augmenter leur nombre. Par le passé, la « migration familiale » a été de fait favorisée dans l’optique d’une « migration de peuplement ».
Regroupement familial oui, mais...
Depuis la suspension officielle de l’immigration de travail dans nombre de pays du « premier monde », en 1973 pour certains et en 1974 pour d’autres, le regroupement familial reste la voie légale la plus répandue pour immigrer dans ces États. Voilà pourquoi, périodiquement, certains leaders politiques proposent de la restreindre, voire de l’interdire.
Pour dresser des obstacles à la réunification familiale, les gouvernements nationaux disposent de plusieurs moyens. Le premier consiste à limiter le degré des liens de parenté pris en compte par la loi. La directive européenne 2003/86/CE du 22 septembre 2003, par exemple, oblige les États membres à inclure parmi les bénéficiaires du regroupement familial au moins le/la conjoint/e et les enfants mineurs, même si ces derniers ont été adoptés ; ce qui peut donc potentiellement permettre d’exclure les ascendants, les concubins, les éventuelles co-épouses dans le cadre d’un mariage polygame, et, parfois, les conjoints homosexuels. Le deuxième moyen s’appuie sur le statut juridique et économique des immigrés : ces derniers doivent être en situation régulière et remplir des conditions en termes de revenus (dépasser un certain seuil annuel), de logement (nombre minimum de mètres carrés par membre de la famille), de durée du séjour (en général deux ou trois ans au moins sont nécessaires avant de pouvoir formuler une requête de regroupement familial) et même de perspective plausible d’une situation économique stable. Le troisième moyen consiste, enfin, à imposer un âge minimum pour les conjoints, pouvant aller de 16 ans au Canada, à 24 ans au Danemark. Notons que l’âge de la majorité reste pour les enfants fixé à 18 ans.
En France, bien que l’immigration familiale ait été favorisée à certaines périodes dès le XIXe siècle, l’institutionnalisation du regroupement familial remonte au décret du 29 avril 1976, promulgué sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) actuellement en vigueur date de 2006. D’après celui-ci, pour pouvoir prétendre au regroupement familial, les ressortissants des pays tiers à l’UE doivent avoir séjourné de manière régulière sur le territoire pendant plus de 18 mois, avoir un revenu supérieur au Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et disposer d’une surface d’habitation non inférieure aux seuils établis par la loi selon les zones géographiques d’installation (par exemple : 32 mètres carrés pour trois personnes en région parisienne + 10 mètres carrés pour toute personne supplémentaire), déclarée « salubre » par les autorités compétentes (= les enquêteurs de l’OFII).
L’une des questions qui reviennent souvent dans le débat politique autour du regroupement familial concerne la possibilité ou non pour les conjoints d’immigrés admis au séjour dans ce cadre d’exercer un travail rémunéré. En France, un décret de 1977 subordonnait l’entrée sur le territoire national des conjoints et des enfants de travailleurs immigrés à la promesse que ceux-ci ne tentent pas d’y chercher un emploi. L’année suivante, saisi par le GISTI, la CFDT et la CGT, le Conseil d’État invalidait cette mesure.