La politique d’intégration de l’Union européenne
Dans ses efforts pour harmoniser et homogénéiser les politiques de ses États membres, l’Union européenne représente un modèle politique qu’observent tous les pays du monde. En matière d’intégration l’UE est notamment parvenue à opérer une synthèse idéologique en novembre 2004, à l’issue d’une réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures à laquelle ont participé les représentants des ministères de l’Intérieur et de la Justice des pays membres, sous la présidence des Pays-Bas. Le communiqué de presse publié lors de cet événement a influencé les orientations communautaires 2007-2013 en matière d’intégration, qui, tout en prévoyant un budget limité, ont soutenu des projets portant sur un large éventail de domaines (culture, éducation, santé, formation, etc.). En revanche, les orientations actuelles 2014-2020 ne se focalisent plus que sur les primo-arrivants et leur apprentissage de la langue locale. Toutefois, en dépit de cette restriction des champs pris en compte, l’UE continue de considérer les propositions de 2004 comme le fondement de sa politique d’intégration des immigrés.
L’intégration selon l’UE
Le communiqué de presse « 14615/04 (Presse 321) » du Conseil Justice et Affaires intérieures daté du 19 novembre 2004 traite de la Politique d’intégration des immigrants dans l’Union européenne des pages 15 à 25 de la version française, et se termine curieusement par des éléments de lutte contre le terrorisme faisant suite à l’assassinat du réalisateur Theo Van Gogh.
Le texte reconnaît qu’en Europe l’immigration est un phénomène permanent très positif en raison de la « diversité culturelle » qu’il génère, pourvu qu’il s’agisse d’une immigration régulière. Selon les auteurs, il est impossible de définir une politique d’intégration commune, car les contextes nationaux sont trop différents notamment en ce qui concerne les groupes cibles considérés. Voilà pourquoi le Conseil se cantonne à énoncer onze principes communs qui doivent servir de base pour l’établissement des politiques nationales nécessaires au maintien de l’ordre et à la cohésion sociale en présence d’importantes populations étrangères.
Le document affirme que « L’intégration est un processus à double sens dynamique, à long terme et continu d’acceptation mutuelle et non un résultat statique. Elle exige la participation, non seulement des immigrants et de leurs descendants, mais également de chaque résident ». Les moyens d’intégration privilégiés sont donc l’insertion économique (l’emploi), la connaissance de la langue locale et des valeurs tant européennes que nationales, le dialogue avec les autochtones, l’attention concernant l’éducation des enfants, la mixité sociale (contre la ségrégation territoriale), la lutte contre les discriminations et la participation politique. Si le sens de l’intégration est bidirectionnel (= il faut un effort tant de la part des immigrés que des autochtones), le communiqué met davantage l’accent sur l’adaptation des immigrés plutôt que sur l’intérêt des autochtones à leur égard (point 7 : « L’organisation de forums communs, d’un dialogue interculturel, de cours sur les immigrants et leurs cultures, ainsi que l’amélioration des conditions de vie en milieu urbain favorisent les échanges entre immigrants et citoyens des États membres »). Par ailleurs, les auteurs soulignent qu’au niveau institutionnel l’intégration devrait être prise en charge de manière transversale (= sans créer une institution spécifique), en impliquant les ministères de l’Éducation, de la Culture, du Travail, etc. Le onzième point évoque l’une des préoccupations typiques des administrations publiques actuelles : l’importance de fixer des objectifs chiffrés, des « indicateurs » et des « mesures », en se passant de l’étude historique et des sciences humaines.
Le tournant de 2014
Les orientations fixées en 2004 se sont traduites financièrement par la création d’un « Fonds européen pour l’intégration des ressortissants des pays tiers » (FEI) qui, tout en allouant à peine un dix millième du budget global communautaire pour la période 2007-2013 (825 millions sur 864 milliards d’euros), se voulait totalement consacré à l’intégration, ciblant non seulement les immigrés, mais aussi leurs enfants, dans une optique très large quant aux types d’interventions et de projets.
Pour la période 2014-2020 l’UE a, en revanche, décidé de fondre les trois fonds existants (Fond européen pour les réfugiés [FER] : 630 millions d’euros ; Fonds européen d’intégration [FEI] : 825 millions ; Fonds pour le retour [FR] : 676 millions) en un seul : le Fonds pour l’Asile, la Migration et l’Intégration (FAMI), doté de 2,39 milliards d’euros (une augmentation de plus de 200 millions) très tourné vers la gestion des réfugiés/demandeurs d’asile et la formation linguistique des primo-arrivants (en Europe depuis moins de deux ans) provenant de pays tiers et en situation régulière. De fait, sur les onze principes en matière d’intégration énoncés en 2004, seul le point relatif à l’apprentissage « de base » de la langue et de la culture locale est maintenu. Ce choix crucial s’est traduit dans les faits par l’arrêt du soutien financier à de nombreux organismes privés et publics qui avaient beaucoup investi sur l’intégration globale des immigrés, et le reversement de ces crédits à un nombre important de structures moins spécialisées sur les questions migratoires.
Les raisons de ce revirement ne sont pas connues, mais semblent coïncider avec une préoccupation accrue de résultats immédiats au détriment d’objectifs à moyen et long terme.