La notion d’asile
Étymologie
En grecQK, le verbe sulan signifie “s’emparer de”. De lui dérive le nom sula (neutre pluriel), qui veut dire “butin”. L’adjonction du préfixe privatif “a” engendre l’adjectif asulos, qui qualifie ce dont on ne peut pas s’emparer, ce que l’on ne peut pas saisir. À cet adjectif, est associé le substantif asulon, qui désigne le lieu sacré, le lieu qui ne peut pas être pillé, le sanctuaire inviolable. Un dérivé d’asulon, le nom asulia, désigne la garantie de sécurité assurée par une cité à certaines catégories d’étrangers, telles que, par exemple, les ambassadeurs ou les athlètes. Par l’intermédiaire de l’hellénisme latin asylum, nous avons en français le terme “asile”.
L’idée d’asile est donc intimement liée à celle de protection. Celui qui pénètre dans le lieu d’asile se met à l’abri. Nul ne peut s’emparer de lui sans enfreindre le précepte religieux ou le principe éthique. Celui qui bénéficie de la protection offerte par l’asile échappe ainsi à ses persécuteurs
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Bref historique de la notion d’asile
La notion d’asile, très présente dans les textes fondamentaux des religions abrahamiquesQK, ne serait pas non plus étrangère aux cultures du monde hindouiste et de l’Extrême OrientQK.
Les premières références de pratiques d’asile sont très anciennes, la notion étant entendue au sens de protection contre la persécution. Déjà, à la fin du deuxième millénaire avant notre ère, un traité égypto-hittiteQK prévoyait les conditions de sécurité et d'impunité qui devaient être assurées à une personne accusée de délits politiques et extradée en Égypte.
Si l’on admet que l’Homme est par essence grégaire, tout être humain a le droit naturel et absolu d’avoir une existence sociale, d’être partie constitutive d’un groupe dont il est solidaire et qui lui offre sa protection en tant que groupe organisé. Toute personne qui ne peut plus compter sur la protection de son groupe d’appartenance ce qui est inévitable lorsque ce groupe est à l’origine des persécutions doit pouvoir trouver une autre société humaine qui lui assure la protection institutionnelle dont tout être humain a besoin.
Cependant, la mise en œuvre du principe de l’asile requiert la définition des circonstances qui justifient l’appel à la protection. Ce problème ancien est déjà posé par Eschyle dans sa tragédie Les SuppliantesQK.
Les pratiques de l’asile ont revêtu des formes très variables au fil de l’histoire. Les persécutions justifiant l’appel à la protection garantie par l’asile n’ont pas toujours été les mêmes. Les raisons politiques, par exemple, tantôt y figuraient, tantôt en étaient exclues. Il en était de même pour le meurtre ou le vol. Par ailleurs, l’aspect sacré de l’asile était parfois très net, parfois très estompé. Ainsi, dans le monde romainQK, la création de lieux d’asile jouait-elle, entre autres, un rôle important dans la politique démographique des villes nouvellement fondées. En revanche, pendant le Moyen-Âge européen, le caractère religieux de l’asile était très marqué.
Néanmoins, même la nature sacrée de l’asile n’a jamais été une garantie absolue de protection. De Rome contraignant au suicide Hannibal, qui avait trouvé refuge en Bithynie, aux églises moyenâgeuses incendiées pour en faire sortir ceux qui s’y étaient réfugiés, l’asile a souvent été malmené. Depuis toujours et comme dans tant d’autres domaines se heurtent le principe d’un droit naturel et les intérêts immédiats des détenteurs de la souveraineté sur le lieu d’asile. Car la notion d’asile est intimement liée à celle de lieu. La protection offerte par l’asile s’exerce là où est reconnue la souveraineté territorialeQK de l’institution qui l’assure.