Causes des préjugés à l’encontre des immigrés

Le climat hostile à l’égard des immigrés qui s’est développé au cours des dernières décennies résulte de l’interaction de divers facteurs, au premier rang desquels figurent la peur et la méfiance à l’égard de ce qui apparaît comme étrange, différent, de ce que l’on ne comprend pas ou peu. Mais il s’agit là d’un phénomène assez courant, que l’on observe de façon plus ou moins marquée dans tous les groupes humains.

Un autre facteur important contribue au développement des tendances xénophobes : les grandes transformations socio-économiques en cours et leurs conséquences. Parmi celles-ci citons :

• les changements économiques, qui engendrent chômage, précarisation de l’emploi, dégradation des conditions de travail, etc. ;
• les changements institutionnels, qui — dans un contexte de mondialisation libérale — se traduisent, d’une part, par la construction de l’Union européenne et, d’autre part, par un regain des régionalismes, le tout conduisant à un affaiblissent de l’État national, même si celui-ci est encore le cadre de référence politico-social ;
• la “perte des repères sociétaux” qui découle de ces transformations, dont nous ne percevons pas toujours la profondeur et les enjeux, dans la mesure où ils se déroulent de façon “souterraine” et sont peu “lisibles” dans l’immédiat ;
• le “repli frileux” des sociétés sur les “valeurs sûres” et les “critères immuables” sur lesquels se sont édifiés les États-nations, mais qui ne suffisent plus à expliquer et à faire comprendre les transformations en cours, une situation somme toute propre à ces moments historiques où le cadre de référence est à bout de souffle, mais le nouveau n’est pas encore en mesure de le remplacer ;
• le traitement démagogique et opportuniste des questions migratoires par un monde politique qui, égaré dans la pêche aux voix, préfère flatter les tendances xénophobes engendrées par les facteurs précédemment cités ;
• les contradictions qui résultent, d’une part, de la ferme volonté affichée par les gouvernements de « maîtriser les flux migratoires », en se fixant comme objectif d’augmenter le nombre de personnes « reconduites à la frontière », et, d’autre part, dans les médias des articles et reportages qui continuent de parler des sans-papiers et de leurs luttes pour obtenir la régularisation de leur situation ;
• le manque d’informations claires et précises sur les questions migratoires, qui fait que le “citoyen lambda” ignore, par exemple, que nombre de secteurs importants de l’économie fonctionnent aujourd’hui grâce à la surexploitation d’une main-d’œuvre en situation irrégulière dont les horaires et les conditions de travail sont en totale violation du code du travail^QK ;
• la confusion générée par l’emploi peu rigoureux dans les médias de concepts sociologiques et juridiques tels que “étranger”, “immigré”, “intégration”, “communautarisme”, “communauté”, etc., des concepts amalgamés et malmenés^QK.

Enfin, il est important de souligner que si les résultats néfastes des préjugés négatifs sont évidents, les préjugés positifs sont également redoutables, dans la mesure où ils créent des attentes qui, lorsqu’elles sont déçues, peuvent se transformer en facteurs de rejet, voire de haine. Cela peut ainsi être le cas, lorsqu’on idéalise la figure du réfugié qu’il faut protéger ou celle du migrant économique qu’il faut aider, et que l’on oublie qu’il s’agit toujours d’un être humain avec ses qualités et ses défauts, ses états d’âme et ses sautes d’humeur. On peut alors être “déçu” en constatant que l’objet de son attention ne réagit pas selon le schéma idéal que l’on avait imaginé. On peut alors être victime d’un renversement total de perception et regarder celui ou celle que l’on avait idéalisé comme un “ingrat”, un “opportuniste”, un “manipulateur”, qui “ne mérite pas” que l’on s’intéresse à lui. Déformant la réalité tout autant que le préjugé négatif, le préjugé positif est aussi un piège à éviter.