La colonisation de l’Asie (Partie I)

Les Espagnols aux Philippines. Pose de la première Croix - © Vicente Manansala (1965) Musée national des Philippines

Espagnols et Portugais

Les Portugais sont les premiers Européens à coloniser l’Asie et créent un vaste réseau de ports commerciaux allant du Maroc à Taiwan. Après la conquête de Ceuta en 1415, ils s’emparent des Açores en 1434, de l’archipel du Cap-Vert en 1460 et bâtissent des forteresses sur toutes les côtes de l’Afrique occidentale. En 1484, Bartholomeu Dias atteint le Cap de Bonne-Espérance, tandis qu’en 1498 Vasco de Gama le franchit et arrive à Calicut, en Inde. Au cours des années suivantes, les Portugais créent partout des avant-postes par le biais d’actions agressives qui leur permettent de s’emparer des sultanats de la côte orientale africaine, dont les plus importants sont Sofala (Mozambique), Mombasa (Kenya) et Socotra (Somalie). Au cours du XVIe siècle les Portugais (grâce notamment à Alfonso de Albuquerque, 1453-1515) deviennent les maîtres de l’océan Indien, créant des colonies, entre autres, à Mascate (Oman), Ormuz (Iran), Daman/Diu, Bombay, Goa, Calicut, Cochin (Inde), Colombo (Sri-Lanka), Malacca (Malaisie), Macao (Chine), Nagasaki (Japon), Formose (Taïwan), Ternate et Timor-Est (Indonésie). La plupart de ces possessions tomberont aux mains des Compagnies des Indes orientales néerlandaise, française ou anglaise entre 1622 et 1666.

Après le voyage autour du monde du portugais Fernand de Magellan pour le compte des Espagnols, en 1564 ces derniers utilisent les données collectées par le navigateur afin d’atteindre un archipel de l’Extrême-Orient (les futures Philippines), accessible via le Pacifique, sans passer par les zones sous domination portugaise. Miguel López de Legazpi, parti du Mexique, fonde l’année suivante la colonie des îles Philippines, ainsi dénommées en l’honneur de Philippe II d’Espagne. L’archipel restera sous la domination ibérique jusqu’en 1898, lorsqu’il sera cédé aux États-Unis à l’issue de la « Guerre de Cuba ».

Les Russes en Sibérie

En 1480, Ivan III le Grand, prince de Moscou, parvient à se libérer de la soumission aux Mongols du Khanat de la Horde d’Or avant que son petit-fils Ivan IV le Terrible (1533-1584) ne s’autoproclame « tsar », successeur de l’empereur de Byzance. Durant son règne particulièrement dur, beaucoup de migrations ont lieu vers les pays voisins, tandis que la Russie entame la conquête de l’Ukraine et des pays des Tatars. Un certain nombre de paysans, appelés Cosaques, qui ont fui l’asservissement imposé par les nobles, constituent une république qui s’étend du Dniepr à la Sibérie.

Vers la fin du XVIe siècle, la Russie est affaiblie : elle est défaite en 1584 par les Polonais et les Suédois dans une guerre pour l’accès à la Baltique, elle est frappée par la famine durant trois ans (1600-1603), elle subit les incursions des Cosaques et elle est finalement envahie par les Polonais en 1605. À Moscou, une insurrection anti-polonaise porte au pouvoir le nouveau tsar Michel Romanov, qui sauve l’indépendance russe. Mais les vrais instigateurs de la renaissance russe au XVIIe siècle sont les membres de la puissante famille Stroganoff, commerçants, industriels et propriétaires fonciers, à l’origine de la colonisation de la Sibérie. Ils passent du commerce des fourrures et du sel à la culture de territoires de plus en plus vastes. Leur argent finance les guerres des tsars jusqu’à Pierre le Grand (1682-1725), qui peuvent ainsi étendre leur domination sur la mer Baltique et écraser les Cosaques. Au XVIIIe siècle, la Sibérie devient pour les Russes une sorte de Far East, les expéditions et les colonisations se poursuivant jusqu’à atteindre le continent américain et à annexer l’Alaska à l’empire russe (1799), qui le revendra aux États-Unis en 1867.

La colonisation du sous-continent indien

En 1526 le sultanat de Delhi est écrasé par une armée turco-persane dirigée par le chef afghan Bâbur. Celui-ci fonde un empire qui va du Pakistan au Bangladesh, et qui couvre la plupart du sous-continent indien. Ce nouvel empire musulman, dit Empire Moghol, entame un lent déclin tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, au profit des colonisateurs européens.

Si les Portugais parviennent à conserver Goa, en 1609 les Hollandais s’emparent du Sri-Lanka (Ceylan) et installent des comptoirs en Inde, les achetant aux différents chefs locaux. La France, sous le règne de Louis XIV et sous l’impulsion de sa compagnie des Indes, obtient en 1673 le territoire de Pondichéry et essaie de casser le pouvoir hollandais, parvenant à ouvrir le comptoir de Chandernagor (à la frontière avec le Bangladesh) en 1688. Mais Néerlandais et Français doivent compter avec la puissance anglaise, déjà établie à Chennai (Madras, 1639), à Bombay (arrachée aux Portugais en 1661) et à Calcutta (1696), qui reprend beaucoup de comptoirs portugais. Pendant que les Danois ouvrent un avant-poste au Bengale (1675), Français et Anglais s’allient avec les souverains musulmans de l’Empire Moghol, dits nababs ou nawabs, et exploitent leurs divisions internes pour se faire une guerre indirecte.

Dans ce duel, à partir de 1750, la colonisation de l’Inde sourit aux Anglais grâce à : a) leur victoire contre la France à l’issue de la « guerre des sept ans » (1756-1763) ; b) la victoire à Plassey en 1757 de la compagnie anglaise des Indes orientales sur le nawab du Bengale, allié des Français ; c) après la défaite de Waterloo l’Empire napoléonien se voit contraint de donner aux Anglais les comptoirs néerlandais entrés en sa possession après l’occupation des Pays-Bas. Mais la duel franco-anglais connaît diverses fortunes, les Français défendant vaillamment Pondichéry jusqu’à l’époque de la décolonisation.

La conquête anglaise de l’Inde devient réalité avec la prise de Delhi en 1803 et l’expansion militaire et commerciale de l’East Indian Company en Birmanie et en Afghanistan. La couronne britannique prend officiellement le contrôle de la région en 1862 et la reine Victoria devient impératrice des Indes en 1876.

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