Les enfants d’immigrés sur le marché du travail
Un accès à l’emploi marqué par les inégalités
Plus l’avenir sur le terrain de l’emploi s’annonce difficile et plus les familles immigrées investissent pour les études de leurs enfants. En France, par exemple, les principales enquêtes (MGIS et TeO, cf. la fiche précédente [#22]) montrent que les descendants des Maghrébins vont plus loin dans leur cursus scolaire que les descendants des Portugais, davantage susceptibles de trouver rapidement un emploi grâce à leur « réseau social ethnique ». Par ailleurs, les filles sont en général plus diplômées que les garçons.
D’après les travaux réalisés par les chercheurs dans plusieurs pays d’immigration, en l’absence d’un « réseau social ethnique » favorable, les enfants d’immigrés enregistrent un taux de chômage supérieur aux « autochtones »QK, une situation qui n’est pas due uniquement à un problème lié à un moindre niveau de qualification. En effet, des tests réalisés en envoyant à différents employeurs des curricula vitae affichant des compétences identiques ont montré un taux de réussite inférieur lorsque les noms des candidats étaient à consonance étrangère, notamment lorsque celle-ci renvoyait aux populations les plus méprisées par l’opinion publique. Le poids des préjugés xénophobes ou raciaux s’ajoute de fait au handicap initial que constitue un capital social et culturel plus faible.
Malgré un passeport national, en dépit d’un niveau d’éducation supérieur en moyenne à celui de leurs parents, les enfants d’immigrés tendent à être associés à ces derniers par les mécanismes de l’emploi : ils ont plus de chances de décrocher un emploi dans les secteurs où se concentre la majorité des travailleurs étrangers assimilés à la même « race » ou « ethnie » que leurs parents. Cependant, puisqu’ils s’attendent à un statut social et professionnel comparable à celui des « nationaux de souche », ils ne sont pas disposés à accepter les postes qui furent autrefois ceux de leurs parents : autre raison qui explique pourquoi leur taux de chômage est supérieur à celui de leurs pères.
Conséquences des difficultés en matière d’emploi
Ce cadre relativement négatif a des répercussions dans plusieurs domaines et à plusieurs niveaux. D’abord, il détermine une certaine « ségrégation territoriale » des personnes concernées, lesquelles, ayant grandi dans des quartiers difficiles, ont du mal à s’en extraire par manque de revenus. Ensuite, après avoir vécu plusieurs échecs sur le plan professionnel, certaines d’entre elles décident de reprendre des études, tandis que d’autres font le choix de l’emploi indépendant dans des secteurs d’activité ou des contextes où les liens avec les origines des parents et les territoires défavorisés peuvent se révéler un atout inattendu. Enfin, d’autres encore tentent leur chance dans des carrières ou des trajectoires plutôt « atypiques » (sport, musique, religion et… politique) ou tombent dans la délinquance.
Pour répondre à un souci d’ordre public ou de productivité, depuis quelques décennies les autorités publiques et les entreprises ont, à maintes reprises, mis en place des programmes de « discrimination positive » ou de « promotion de la diversité » au sein de leurs structures ou dans leurs politiques. Ces initiatives, qui trouvent parfois leur origine dans une perspective humaniste, n’atteignent que rarement les résultats escomptés, et ce, bien qu’elles fassent l’objet d’une forte publicité et rassemblent de nombreux avis favorables. Sous le nom de « diversité » sont regroupés des phénomènes et des situations trop hétérogènes, et les programmes marquent le pas dès que surviennent les premiers obstacles.
En définitive, une grande partie des enfants d’immigrés « actifs » trouvent un emploi principalement dans sept secteurs d’activité, à savoir le commerce, la grande distribution, les soins aux personnes, l’entretien/nettoyage, le travail à la chaîne, la petite comptabilité et le secrétariat. Plus disposés que les « nationaux » à accepter des horaires flexibles et des contrats précaires, ils sont préférés aux immigrés pour les postes qui exigent une meilleure maîtrise de la langue locale.