Immigration et préjugés

Les tsiganes font partie des populations parmi les plus discriminées au monde - © Vita.it

« Opinion a priori favorable ou défavorable qu’on se fait sur quelqu’un ou quelque chose en fonction de critères personnels ou d’apparences »QK, ou bien « opinion toute faite acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, par une personne ou un groupe, et qui détermine, à un degré plus ou moins élevé, ses manières de penser, de sentir et d’agir »QK : telles sont les définitions possibles du préjugé, qui est une opinion.

Depuis plusieurs années, l’étude du fait migratoire en sciences humaines, politiques et sociales fait, à juste titre, la part belle aux systèmes individuels et collectifs de représentation. L’immigration, enjeu de débat public et électoral, nourrit des idées fausses qui se traduisent par des attitudes et des comportements bien réels. Lors de l’élection présidentielle de 2002, quelques heures avant le début du scrutin, les médias choisissent de montrer le visage tuméfié de Paul Voise, un vieil homme habitant Orléans, qui aurait été victime de la violence gratuite de “jeunes de banlieue”, ce qui aujourd’hui reste encore à prouver. Selon les observateurs, cette agression aurait influé sur le vote des électeurs et la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen. Cet événement, dans le cadre d’une campagne électorale où le thème de l’insécurité — et en filigrane de la délinquance des populations issues de l’immigration — était une question centrale, illustre la maxime « Une idée fausse est un fait vrai ».

Préjugés, stéréotypes, amalgames, clichés, idées reçues, rumeurs, fantasmes, les termes ne manquent pas pour désigner les raccourcis, les phrases toutes faites ou les généralisations dans la manière d’appréhender l’Autre à différentes périodes de l’histoire. Derrière les préjugés, entre portraits-types nationaux et mécanisme du bouc émissaire, échafaudés plus ou moins consciemment, la discrimination est une constante, l’ignorance aussi. Il s’agit de tenir l’étranger à l’écart, en marge d’une société qui ne consent à le voir qu’à travers les stigmates dans lesquels on l’a enfermé. La nationalité ou l’origine “ethnique” sont des terrains par excellence pour faire prospérer le préjugé : l’Arabe est violent et fanatique, le Noir indolent et naïf, l’Asiatique discret mais inquiétant, le Portugais travailleur, etc.

Un fléau omniprésent

Les préjugés ethniques se nichent partout. Par exemple, dans le domaine de l’économie, lorsqu’on pense qu’un immigré de moins fera un chômeur de moins, ou dans le domaine social, où les amalgames entre “banlieue” et délinquance sont monnaie courante.

La vie politique est totalement imprégnée de préjugés, comme l’ont montré les différentes campagnes électorales, notamment depuis le début des années 2000.

Les médias (presse écrite, radio, télévision, et surtout internet), tout en informant, déforment et ancrent les stéréotypes dans l’imaginaire collectif, comme le montre la manière dont ont été traitées les “émeutes” de 2005, l’affaire du bagagiste de Roissy en 2002-2003QK ou celle du rer d en 2004QK, puis les attentats terroristes de janvier 2014 et de novembre 2015. En la matière, le “discours” médiatique est marqué au mieux par l’ambiguïté, au pire par la mauvaise foi. Ainsi, relayé par les médias, le préjugé apparaît comme une question centrale de la problématique de l’immigration.

Étudier les préjugés nécessite donc d’adopter une double approche, puisqu’il faut considérer non seulement la réalité d’une situation migratoire, mais également sa représentation, donnée certes irrationnelle, mais primordiale.

Par ailleurs, une idée largement partagée au sein du monde éducatif voudrait que l’Éducation nationale puisse, et doive, combattre les préjugés et permettre à des citoyens ou à de futurs citoyens d’être mieux “préparés” à vivre ensemble. Cette opinion se nourrit de nombreux exemples d’enseignants, éducateurs, animateurs qui ont réussi à dépasser les différences pour montrer que le respect de la dignité de l’Autre est une valeur fondamentale. Toutefois, il faut avoir présent à l’esprit que, en montrant l’enrichissement qui peut naître des différences, on peut aussi accroître la focalisation sur ces différences au détriment de l’universel.

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