Les droits des migrants âgés
La protection sociale des étrangers
Avant de traiter très succinctement de la situation des étrangers au regard de leur droit à la retraite, il convient de considérer le cadre général des droits sociaux au niveau mondial.
La protection sociale des étrangers fait l’objet d’un nombre important de textes juridiques internationaux, émanant des Nations unies, de Organisation internationale du travail (OIT) ou, pour l’Europe, du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Malgré cette abondance de textes législatifs, souvent fondés sur des principes éthiques universellement reconnus, la plupart des droits évoqués sont soumis à des limites imposées par la non-signature et la non-ratification des États, ou bien sont restreints par des clauses de réciprocité.
Parmi les textes onusiens ayant plus qu’une valeur symbolique, figurent deux pactes internationaux de 1966, l’un relatif aux droits civils et politiques, l’autre aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces accords, assez largement ratifiés au cours des années 1980, posent les principes de l’égalité de la protection législative sans distinction de nationalité (toute personne est égale devant la loi) et du droit universel à la sécurité sociale et à la santé. Cependant, leur application effective s’avère parfois restreinte par des interprétations des jurisprudences nationales qui la subordonnent aux règles spécifiques de l’accès des étrangers au marché du travail ainsi qu’à des conditions de résidence.
En ce qui concerne les conventions établies par l’OIT (notamment la n° 97 de 1949 sur les travailleurs immigrés, la n° 102 de 1952 sur la norme minimum de sécurité sociale, la n° 118 de 1962 sur l’égalité en matière de sécurité sociale), les droits que les étrangers peuvent réclamer pour obtenir des prestations sociales, et ce sans être soumis à des obstacles administratifs ou à la régularité du séjour, ne sont en général valables que s’ils ont versé les contributions respectives. En plus, pour l’exportation des prestations (à savoir la possibilité de jouir, par exemple, de la pension et de la sécurité sociale ailleurs que dans le pays où elles ont été acquises) les conventions stipulent la nécessité d’accords bilatéraux.
Le Conseil de l’Europe, de son côté, est à l’origine de textes importants, qui s’appliquent au sein de la plupart des États de l’Europe « géographique » (UE et Espace économique européen, pays des Balkans, Moldavie, Ukraine et Russie) et en Turquie. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950), à portée universelle et ratifiée surtout durant les années 1970, interdit toute condition de nationalité pour l’octroi de prestations sociales, établit l’impossibilité de déchéance des droits acquis par des cotisations et permet la récupération des cotisations d’assurance vieillesse pour des périodes d’activité effectuée à l’étranger. La Charte sociale européenne (1996, qui remplace la version de 1966), signée par 32 pays européens (tandis que dix, dont l’Espagne, l’Allemagne et le Luxembourg, s’en tiennent à l’ancienne version), et par la Turquie, constitue un texte très complet en matière de droits sociaux, ceux-ci allant du droit à la santé, à la sécurité sociale et médicale, en passant par la protection sociale pour la famille, les personnes âgées et les handicapés. Toutefois, cette Charte requiert, quasi systématiquement, une résidence régulière et un travail déclaré et elle a du mal à être prise en compte par les cours nationales comme étant d’application directe.
Les traités, règlements et directives de l’Union européenne reprennent à plusieurs degrés les principes énoncés par les textes internationaux précédemment évoqués. Si le principe de « non-discrimination » en raison de la nationalité, présent dans le Traité de fonctionnement de l’UE (2007), s’applique à n’importe quelle personne, certaines prestations et protections sociales sont réservées uniquement aux ressortissants des pays membres, ou bien aux citoyens de pays tiers bénéficiant d’une carte de « résident de longue durée » et/ou d’un accord bilatéral entre l’UE et leurs pays (c’est le cas des pays de l’Afrique du Nord, de la Turquie, d’Israël, de l’Albanie, de la Serbie, de la Macédoine, du Monténégro, de la Russie et, dans une certaine mesure, du Liban, de la Moldavie, de l’Arménie, de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan, de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan).
Le droit à la pension de retraite
Dans ce cadre législatif international très complexe, couplé aux spécificités juridiques nationales ainsi qu’au niveau de la protection sociale générale dans les différents pays, la reconnaissance des droits des travailleurs étrangers et de leur famille est très hétérogène et dispose d’une large jurisprudence, fruit des procès qui ont opposé des immigrés à l’État d’accueil pour les questions les plus diverses.
Dans ce contexte, pour les immigrés âgés se pose en particulier la question de leur retraite et du calcul de celle-ci. Pour les citoyens de l’UE (+ la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse), ainsi que des pays tiers qui ont signé des accords avec elle, il est possible de cumuler les contributions vieillesse versées dans n’importe quel pays membre. La somme des années de contribution versées dans différents États membres permet ainsi de partir à la retraite tout en ayant travaillé pendant un nombre partiel d’années dans le pays d’accueil. Chaque organisme de prévoyance et de retraite des pays concernés calcule le montant de la pension sur la base du prorata de la période contributive qui le concerne par rapport au total des années contributives de l’individu. La pension de retraite peut même parvenir au bénéficiaire sans qu’il réside dans l’un des pays qui la lui verse ; elle s’accompagne généralement du droit au remboursement des soins reçus dans le pays de résidence.
Pour les ressortissants des autres pays tiers, des accords bilatéraux ont pu être conclus entre leur pays et un État membre de l’UE. La France, par exemple, a signé des accords avec 41 ÉtatsQK, mais la plupart d’entre eux ne prévoient pas le remboursement des soins. Si de tels accords ne sont pas en vigueur, il existe par ailleurs des dispositifs minimaux universels.
Il n’est pas inutile de rappeler que la grande majorité des habitants de la planète (70% selon l’Organisation internationale du travail) ne dispose pas de couverture santé, d’allocation chômage, de minimum vieillesse, d’aides à la famille, etc.