Asile et Union européenne

Demandeurs d'asile syriens et d'autres nationalités parcourent les Balkans (2015) - © Les Échos

Le protocole « Aznar »

Lors de la signature du traité d’Amsterdam le 2 octobre 1997, il a été annexé au traité sur l’Union européenne un protocole n° 24, dit souvent protocole Aznar, du nom du premier ministre espagnol à l’origine de ce texte portant sur « le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne ».

Ce texte interdit à tout pays de l’Union européenne de prendre en considération une demande d’asile et donc d’accès au statut de réfugié émanant d’un ressortissant d’un autre pays de l’Union, dont les États membres se proclament ainsi, ad vitam æternam, à l’abri de toute défaillance concernant leurs obligations relatives à la protection et a fortiori de non-persécution due à leurs ressortissants.

À l’époque, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a été très critique à l’égard de la proposition de Madrid, considérant qu’elle portait atteinte au principe de l’examen individuel des demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié, qu’elle introduisait une réserve géographique à l’application de la définition du réfugié, ce qui est contraire au droit international des réfugiés, et qu’elle modifiait au niveau régional une convention internationale, ce qui enfreint le droit international général.

Les exceptions au protocole

Selon le texte, après avoir posé que les États membres de l’Union européenne « sont considérés comme constituant des pays d’origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile », le projet de protocole en tire la conséquence : « [...] toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre État membre que dans les cas suivants. »

Les trois premières exceptions à la règle concernent la suspension officielle, par le pays d’origine, des garanties prévues par la convention européenne des droits de l’Homme, ainsi que, dès la mise en œuvre de la procédure d’enquête, la constatation par le Conseil européen d’une « violation grave et persistante » des libertés fondamentales dans le pays d’origine.

La quatrième exception, quant à elle, rétablit le principe de la souveraineté de l’État national :

« d) si un État membre devait en décider ainsi unilatéralement en ce qui concerne la demande d’un ressortissant d’un autre État membre ; dans ce cas, le Conseil est immédiatement informé ; la demande est traitée sur la base de la présomption qu’elle est manifestement non fondée sans que, quel que soit le cas, le pouvoir de décision de l’État membre ne soit affecté d’aucune manière. »

La Belgique, particulièrement visée par la proposition espagnoleQK, a immédiatement assorti son approbation du projet de texte de la déclaration suivante :

« En approuvant ce protocole, la Belgique déclare que, conformément à ses obligations au titre de la convention de Genève de 1951 et du protocole de New York de 1967, elle effectuera, conformément à la disposition énoncée au point d) de l’article unique du présent protocole, un examen individuel de toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un autre État membre. »

Conséquences

Signe des temps, ce texte, qui porte atteinteQK au droit souverain de l’État-nation d’accorder ou non l’asile à un étranger, signifie une restriction de taille en matière d’asile et non une évolution positive du droit des réfugiés vers la garantie internationale d’un asile territorial stable pour toute personne dépourvue de protection nationale. Cela implique l’impossibilité pour les ressortissants de 28 nationalités sans parler des éventuels élargissements de l’Union de solliciter des autres 27 États une protection, nationale ou internationale, de remplacement à une protection nationale défaillante dans leurs pays d’origine.

De la sorte, les vieux États-nations d’Europe se lancent sur les chemins de la recherche de nouvelles formes de souveraineté en se dépouillant de ce qui demeure, malgré tout, le symbole d’une certaine conception de la dignité de l’être humain : le devoir d’offrir protection au persécuté. Il aurait mieux valu que les premiers abandons de souveraineté conduisent les États-nations à étendre et à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction dévolus aux organismes régionaux et internationaux chargés de la protection des libertés fondamentales et des droits de l’être humain.

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