Apparition de la figure du réfugié durant l’entre-deux-guerres
Au lendemain de la Première Guerre mondiale
En Europe, l’après Première Guerre mondiale voit le triomphe des États-nations et la dislocation des trois grands empires européens qui subsistaient : austro-hongrois, ottoman et russe, les deux premiers éclatant en États-nations, le dernier, au départ bien mutilé mais assez vite reconstitué, devenant l’Union des Républiques socialistes soviétiques, et qui, pour se consolider, va accorder une place considérable aux nationalités.
Les États-nations triomphants sont confrontés aux conséquences de leur victoire. D’une part, la mise en place de nouveaux États fondés sur la nationalité engendre des persécutions à l’encontre des minorités vivant sur leur territoire, exclues de la définition de la nationalité ou qui la rejettent sans pouvoir se réclamer de la protection d’un autre État. D’autre part, l’« internationalisme prolétarien » des bolcheviks oppose à l’État-nation capitaliste un modèle social radicalement différent. Ceux qui fuient ce régime sont en général déchus de leur nationalité et se trouvent privés de protection nationale.
Toutes les personnes dépourvues de nationalité, et donc de protection nationale, cherchent alors un pays d’asile. Les États-nations se doivent par conséquent d’apporter une réponse à l’une des conséquences de leur affirmation comme entité majeure de l’organisation politique du monde.
Les États tiennent à leur prérogative d’accepter sur leur territoire qui bon leur semble, mais, face à une situation qui touche des centaines de milliers de personnes, voire plus d’un million, dispersées dans plusieurs pays, ils ont besoin de se concerter.
La Société des Nations et les réfugiés
Dans les années 1920, des textesQK signés par différents États (arrangements, conventions, protocoles, etc.) sont élaborés dans le cadre de la Société des Nations, qui, en 1921, avait créé un Office du haut commissaire pour les réfugiés russes. Ces accords sont fragiles car peu d’États y adhèrent, c’est notamment le cas des États-Unis, dont la puissance s’affirme de plus en plus. Les textes ne s’appliquent qu’à des catégories de personnes auxquelles leur État d’origine refuse expressément une protection nationale. Ces catégories sont clairement définies : Arméniens, Russes, Assyriens ou Assyro-Chaldéens, dans telle ou telle situation, pour telle ou telle raison. Les textes internationaux portent sur les déplacements de ceux qu’on appelle “les réfugiés”, sur la protection juridique qui leur est offerte pour remplacer la protection nationale, sur la possibilité qu’ils ont de s’établir dans un pays, sur la jouissance de certains droits sociaux dans le pays de résidence. Les dispositions prévues varient d’un instrument à l’autre.
En période de dictatures : les années 1930
Dans les années 1930, avec la montée du nazisme, des accords internationaux sont signés pour assurer la protection des Sarrois, des personnes en provenance d’Allemagne, des Autrichiens. Les personnes visées doivent être dépourvues de protection nationale, que celle-ci leur soit refusée explicitement ou de fait.
Devant la multiplication des situations qui privent de protection nationale des centaines de milliers de personnes (l’annexion des Sudètes par l’Allemagne, l’issue de la guerre civile espagnole, etc.), la définition du réfugié devient plus générale. Celle donnée, en 1938, par une résolution du Comité intergouvernemental pour les réfugiésQK, vise des catégories de personnes dépourvues de protection nationale pour des raisons déterminées, mais sans que leur nationalité d’origine soit désignée. Cette définition, du moins en théorie, peut donc être appliquée à toute personne qui se trouve dans l’une des situations prévues, indépendamment de sa nationalité.
Quelles que soient les dispositions sur la présence des réfugiés sur le territoire des États signataires figurant dans ces accords, dans tous les cas, les États réservent, d’une manière ou d’une autre, leur droit souverain d’accorder ou de ne pas accorder à un non-national le droit au séjour. Même si le réfugié est quelqu’un qui a besoin de trouver un lieu d’asile, puisqu’il est privé de protection nationale, l’acte qui constate qu’une personne répond à la définition du réfugié, demeure distinct de l’acte qui accorde l’asile. Le premier se fait à la lumière d’engagements internationaux, le second selon les dispositions de la loi nationale. Dans le meilleur des cas, l’engagement pris par les États signataires est celui de ne pas renvoyer la personne qui demande l’asile vers son État d’origine (droit au non-refoulement).